Hirokazu KORE-EDA délaisse ici son thème de prédilection, la famille pour nous interroger sur notre position quant à la question de la peine de mort. La famille est toutefois effleurée à divers moments clefs du scénario.


Si la scène d'ouverture ne laisse a priori aucun doute quant à la culpabilité du suspect, le film s'attèle dès la scène suivante, qui nous introduit le trio d'avocats qui assurera la défense du présumé coupable, à distiller en nous les doutes, les questions, et osons le dire une forme d'empathie pour ce coupable idéal, qui a pour nom Misumi. Habilement et pour toujours d'avantage brouiller nos idées préconçues et nos certitudes, l'attitude du suspect nous laisse penser que nous sommes face à un génie de la manipulation, comme seuls les grands sociopathes en comptent.


Ce trouble est maintenu pendant les deux tiers du film, sans qu'à aucun moment l'intrigue nous incite à préférer l'une ou l'autre facette du prévenu.

Toutes les tentatives des conseillers pour réduire les charges et donc la peine encourue sont systématiquement sabordées par Misumi, mais conduisent aussi ses avocats à s'approcher de la vérité, et pour Misuni sa morale, l'enjoint à user de la vérité tant qu'elle sert les intérêts de la personne pour qui il a tué, mais à lui préférer le mensonge quand elle doit nuire à celle-ci.


Les scènes dans la salle de visite où Misuni et ses avocats se voient, de part l'aspect huis-clos et les questions qu'elles posent, m'ont fait penser à la référence en termes de huis-clos judiciaires Douze hommes en colère (1957).


Cette morale à laquelle le législateur n'a pas pensé quand il a ratifié la peine de mort comme faisant partie de son arsenal répressif, rajoute à nos doutes et pour moi qui suis viscéralement opposé à la peine de mort, je ne peux qu'adhérer au partie pris du film.


Jusqu'au bout le doute sera maintenu, jusqu'au sacrifice d'un homme, jusqu'à la confession du même homme.


La maîtrise de la mise en scène est folle, maintenir durant toute la durée du film un rythme lent, parfois contemplatif, un cadrage extrêmement humaniste et naturaliste des protagonistes qui aide à notre empathie à leurs égards. Des idées de montage assez radicales et des idées de mise en scène qui moi m'ont scotché et ont fait que encore une fois malgré sa lenteur assumée et magnifiée, ce film n'ennuie jamais. Je pense notamment à l'ultime échange entre l'avocat Shigemori et Misumi, le reflet de l'un venant épouser les traits de l'autre, dans une chorégraphie du champ contre champ inédite. La photographie est au diapason, tout comme les jeux des deux principaux acteurs, mais une nette préférence à l'interprétation bluffante de Kôji YAKUSHO.

Spectateur-Lambda
7

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le 27 sept. 2022

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