C’est intéressant de voir ce que certains réals arrivent à faire avec un style de documentaire musical qu’on pourrait retrouver sur Arte. Scorsese avec No Direction Home, Jarmusch avec Gimme Danger et maintenant Haynes avec The Velvet Underground.
Là où Scorsese exacerbait la forme “montage d’archives / talking heads” en un flot d’images de plus de 3h et une réflexion fondée sur la nature même des images, et là où Jarmusch restait plus conventionnel, Haynes choisit de transforme l’habituel montage d’archives en un collage d’avant-garde, en accord avec son sujet.
Ça donne une forme intéressante à un truc d'ordinaire très formaté. La coexistence des itw en voix-off (les visages apparaissent très sporadiquement) et d'une succession d'images qui fonctionne indépendamment, qui ne se contente pas d'illustrer, permet de faire coexister passé et présent, ce qui est et ce qui a été, sans les lier dans une simple forme de retrospective.
Ce qui a été, justement, est donc rendu vivace par un montage et des effets qui sont là pour rendre palpable tout l'avant-gardisme et le décalage du Velvet Underground. Ça ne les rend pas plus abordables, et tant mieux, pour celui que leur univers n'inspirait pas déjà. Et j'en fais parti, donc j'ai eu un peu de mal à me mettre dedans. Mais par contre ça rend leur projet vivant.
Ça devient d'ailleurs un point intéressant quand le film parle du moment où Lou Reed a voulu se tourner vers une musique à priori plus conventionnelle que celle qu'ils faisaient alors qu'Andy Warhol les façonnait, mais surtout moins fondée sur une attitude, sur un sens du style et de la représentation. Pour moi The Velvet Underground, comme les Sex Pistols, c'est ça : quelle est la vraie valeur d'une musique basée sur le décalage, le style et l'énergie ?
Pour autant, malgré cette question de savoir si le décalage ne te rend que cool sans te rendre substantiel, le film rempli son office, au fond assez simple de raconter l'histoire du groupe avec un début, un milieu et une fin. Il a d'ailleurs la bonne idée au début de laisser de longues parties à la genèse artistique personnelle de Lou Reed et John Cale (finalement le Velvet n'arrive quasiment qu'à la moitié) pour présenter des gens plutôt que le projet qu'ils ont fondé, car celui-ci aura été finalement assez bref, malgré son immense héritage.
Donc voilà, peut-être un docu pour les fans, et par un fan, mais il a le bon goût de tenter autre chose que la simple présentation chronologique de l'histoire du groupe, puisqu'il essai aussi d'intégrer l'oeuvre, ou en tout cas une vision de l'oeuvre, dans son style et sa narration. C'était déjà le cas avec I'm Not There, donc c'est pas surprenant, et Haynes reste quand même un mec qui se détache quand il s'agit de parler d'art en film.