50 ans après Franju, Claude Miller s'empare du grand classique de Mauriac pour brosser à son tour le portrait subtil et vénéneux d'une femme à la recherche d'elle-même, une femme travaillée par sa condition, enfermée qu'elle est dans le carcan d'une époque et d'une caste : la bourgeoisie provinciale de la fin des années 1920.
La jeune Thérèse ne connaîtra jamais l'insouciance bénie de l'adolescence, et dès les premières images on pressent une soif d'ailleurs, une audace et une détermination qui marquent sa différence dans les bois de pins qu'elle parcourt avec sa meilleure amie, rieuse mais comme absorbée en elle-même, plongée dans son monde intérieur, une impertinence entachée de cruauté et de provocation qui ne la lâchera plus.
Audrey Tautou prête ses grands yeux sombres et son visage obstinément fermé à cette Thérèse tout en révolte et revendication muette contre un milieu qu'elle abhorre, esprit libre qui détecte chez chacun les préjugés de classe et la farouche hypocrisie de ces bien-pensants, bons catholiques et antisémites de surcroît.
Aimer, être amoureuse, oui bien sûr, elle brûle de l'être, mais elle a déjà compris que ce Bernard qu'on lui destine ne comblera jamais cette passion qu'elle sent en elle, vibrante et charnelle : une force tranquille pourtant que cet homme riche et "rassurant", le parti idéal dans ces mariages de convenance si fréquents à l'époque.
Gilles Lellouche s'est coulé avec une prestance habitée dans ce personnage un peu mou, un peu veule de bourgeois provincial, bel homme moustachu de l'époque au ventre naissant, face à une épouse au sourire énigmatique dont les coups de griffe ne laissent pas de l'intriguer, mettant à mal un à un tous ses repères dans une vengeance taiseuse et butée.
Film posthume de Claude Miller fortement teinté de mélancolie, on y retrouve, outre la charge féroce contre la bourgeoisie de province, la cruauté lumineuse de l'oeuvre de Mauriac, dans une réalisation portée par ses deux interprètes justes et prenants.

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le 20 déc. 2012

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le 20 déc. 2012

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Aurea

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