Avec 𝑇ℎ𝑜𝑟, Kenneth Branagh ambitionnait de transposer l'univers mythologique du dieu nordique façon Marvel au grand écran, mêlant épopée shakespearienne et blockbuster hollywoodien. Pourtant, le résultat s'avère décevant, vacillant sous le poids de ses propres contradictions. Si le film peine à trouver son équilibre entre grandeur divine et action terrestre, un personnage réussit néanmoins à émerger avec éclat; Loki, interprété avec une finesse remarquable par Tom Hiddleston.
Dès son apparition, Loki capte l'attention par sa complexité et son ambiguïté morale. Hiddleston insuffle à ce dieu de la malice une profondeur inattendue, oscillant entre jalousie fratricide et quête identitaire. Là où Thor, campé par un Chris Hemsworth certes charismatique mais un brin monolithique, incarne le héros classique en quête de rédemption, Loki offre une palette d'émotions plus nuancée. Ses manigances et sa relation tumultueuse avec Odin interprété par un Anthony Hopkins en pleine forme, apportent une dimension tragique qui rappelle les grandes œuvres de Shakespeare, terrain de prédilection de Branagh.
Cependant, cette richesse narrative est souvent parasitée par une réalisation inégale. Branagh, habitué des adaptations littéraires, semble ici hésiter entre esthétisme théâtral et exigences du film d'action moderne. L'abus de plans débullés, censés dynamiser la mise en scène, évoque maladroitement le naufrage visuel de 𝐵𝑎𝑡𝑡𝑙𝑒𝑓𝑖𝑒𝑙𝑑 𝐸𝑎𝑟𝑡ℎ. Ces choix stylistiques perturbent la lisibilité des scènes et distraient inutilement le spectateur.
La direction artistique souffre également d'une certaine inconsistance. Asgard, censée être la cité étincelante des dieux, apparaît souvent comme un décor numérique froid et impersonnel, manquant de l'éclat divin attendu. La photographie sombre et les effets spéciaux parfois approximatifs n'aident pas à immerger pleinement le spectateur dans cet univers fantastique. Les séquences d'action, bien que spectaculaires sur le papier, manquent cruellement de lisibilité et de souffle, par conséquent il n'y a aucun véritable enjeu émotionnel.
Malgré ces écueils, 𝑇ℎ𝑜𝑟 n'est pas dépourvu de qualités. Certains dialogues réussissent à capter l'essence des conflits familiaux et des dilemmes moraux propres à la mythologie nordique. La musique épique de Patrick Doyle accompagne habilement certains moments clés, tentant de combler les lacunes visuelles par une intensité sonore.
En fin de compte, c'est Loki qui sauve l'ensemble du naufrage. Sa présence magnétique offre au film une profondeur qui aurait mérité d'être explorée davantage. Il incarne le paradoxe d'un être à la fois divin et profondément humain, déchiré entre son désir de reconnaissance et sa soif de pouvoir. Une dualité qui fait écho aux tragédies antiques, et qui rappelle que derrière les super-héros se cachent des histoires universelles.
𝑇ℎ𝑜𝑟 aurait pu être une fresque mythologique ambitieuse, mêlant drame familial et action épique. Il reste un divertissement inégal, qui ne parvient pas à s'élever à la hauteur de ses ambitions.