Threads
7.6
Threads

Téléfilm de Mick Jackson (1984)

A voir absolument dans une vie, s'il est recommandé de s'y préparer mentalement avant, Threads est tout simplement pour moi l’œuvre la plus profondément terrifiante jamais produite, que ce soit sur son thème du conflit nucléaire ou en matière d'anticipation en général, sans oublier d'être profondément réaliste ce qui ajoute encore à l'horreur.

Le sujet, comme dans son homologue américain The Day After produit vers la même époque est de montrer les réactions de gens normaux à un conflit nucléaire, mais là où ceux de TDA apparaissent comme des personnages de téléfilm américain typiques, ceux de Threads trouveraient d'avantage leur place dans une œuvre purement naturaliste. Il n'y a pas de héros ni vraiment de protagonistes ici (si une jeune femme s’apprêtant à avoir un enfant et son entourage constituent vaguement le fil conducteur du récit), juste des citoyens ordinaires dont des instants de vie sont montrés comme ils le seraient dans un documentaire (à la strip tease moins le coté malsain sensationnaliste).

Style documentaire auquel emprunte aussi la narration, en parties entrecoupées de panneaux de texte décrivant la phase du conflit où on se situe, de la manière la plus froidement factuelle possible.

Même si, évidemment, un téléfilm tourné en pleine guerre froide ne peut apparaitre qu'un peu daté au niveau du déroulement initial décrit (quoique... un conflit qui se déclenche au Moyen-Orient et escalade, c'est plus de l'ordre d'une possibilité éternelle) et s'il n'a pas les moyens d'autres productions pour montrer les frappes elles mêmes. Mais un champignon apparaissant au loin avec la panique qu'il cause, des écrans devenant blancs, des successions d'images d'explosions venues d'archives, ça fait tout à fait le travail, et peut être mieux encore que les nombreuses représentations pleines d'effets spéciaux qu'on a pu voir depuis (surtout sachant qu'il est de toute manière un peu absurde de montrer dans tous ses détails quelque chose qui rend aveugle la plupart de ceux qui y assistent).

Puis l'intérêt n'est pas dans les quelques minutes que durent le conflit lui-même mais l'avant et l'après. La préparation de celui ci où, tandis que la population ordinaire essaye de continuer à s'aveugler d'optimisme ou tente vainement de se révolter contre l'inéluctable, la société anticipe sur son retour à la barbarie à venir en se montrant de plus en plus fasciste, et où de petits fonctionnaires, bons citoyens ordinaires, se retrouvent chargés de la mission impossible de gérer cet espèce intérim. Et l'après où tandis qu'on assiste à la lente agonie de ce groupe d'éphémères gestionnaires dans leur bunker enfoui sous les décombres, les survivants ordinaires à l'extérieur ont à se débattre dans un monde qui ne sera plus jamais le même (si contrairement au genre de facilité où le genre post-apocalyptique a tendance à céder, il y a bien une société, une forme surtout d'autorité autour des militaires, qui survit même à la guerre nucléaire, on ne saurait plus vraiment parler de civilisation à son sujet).

Je finirai sur le choix le plus audacieux et brillant du film, faire lors du conflit disparaitre l'un de ses personnages principaux, le fiancé de la protagoniste, sans jamais rien montrer de son sort exact. Qui est peut être ce qui met le spectateur, qui le cherchera vainement durant la seconde partie du film, le plus face à face à l'horreur de ce genre de conflit ne lui offrant, pas plus qu'à elle, vite happée par sa propre survie, l'occasion de complètement en faire le deuil.

En un mot un film complètement traumatisant, qu'il me semblerait raisonnable d'exiger que tous les dirigeants de puissances nucléaires ou aspirant à le devenir (et aussi ceux qui les élisent et soutiennent qu'on conserve les moyens de notre suicide collectif car jusqu'ici ça va) aient vu au moins une fois (si je ne pousserai peut être pas la cruauté jusqu'à leur en prescrire des visionnages réguliers).

ps : le film est disponible en version complète (mais vo uniquement) ici

https://archive.org/details/threads_201712

Antonio-Palumbof
9

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Créée

le 25 nov. 2023

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