Au début il y a avait le cinéma. Tsui Hark, réalisateur génial, créateur fou de l’expérimentation en 24 images par seconde, cinéaste de la vitesse et de la mise à l’épreuve rétinienne, s’empara des différents genres qui jalonnèrent la cinématographie de l’ex-colonie, et les révolutionna quasiment à tous les coups. Avec Time And Tide il impose au polar d’action, ce qu’il fit auparavant au wu xia pian, l’explosion des codes dans un feu d’artifice expérimental à la limite de la perception.
Chez lui, tout est dans le montage démonté et l’effet qui en découle. Malgré cette inouïe déstructuration de l’image-action, ces sommets de méthodisme visuel ne perdent jamais en cohérence et s’ajuste avec délicatesse et pureté originelle.
Time And Tide est de ces films au-delà de toute perception dont le cinéma arrosa les écrans. Il prend un genre qu’il déconstruit avec toute sa virtuosité et fait peau neuve d’attributs déjà fortement mis à l’épreuve par quelques alchimistes fous. J’ai souvent pensé à Robert Aldrich et son Kiss Me Deadly, pur moment de folie cinématographique, explosant à peu près tous les codes. Car c’est de laminage des codes qu’il s’agit dans Time And Tide. Détruire et reconstruire à sa façon. Tel est l’adage de l’homme à la barbichette.
Avec sa maestria et son sens affûté du rythme et de l’esthétisation du mouvement, il réussit avec Time And Tide un magnifique big-bang visuel, un objet insaisissable qui recrée le genre en explosant ses attributs.
Quid de la cohérence narrative, encore une fois ? Une vague impression d’être déjà passé par là. Ce genre d’expérience parle plus aux sens qu’au cerveau, l’adage du cinéma qui sous ses apparences de complexité non assisté confère à ce que Descartes définissait comme épistémologiquement nécessaire et bénéfique pour la représentation, de partir du simple vers le composé.
De toute façon, le cinéma de Tsui Hark se compose dans le mouvement et ce sentiment d’ivresse incontrôlé qui en fait un créateur d’imagerie absolu.