89eme film de l'année et découverte du nouveau métrage de Julia Ducournau qui s'affirme de plus en plus dans le cinéma de genre français après son premier film "Grave" très remarqué tant par le public que la critique!
Après une série de crimes inexpliqués, un père retrouve son fils disparu depuis 10 ans. Titane : Métal hautement résistant à la chaleur et à la corrosion, donnant des alliages très dur.
Dire que la réalisatrice française était attendue au tournant est un euphémisme tant celle-ci avait mis en porte étendard du renouveau du cinéma de genre français qui végétait dans les limbes de l'industrie empêchant quelconque métrage d'entrapercevoir une étincelle d'espoir dans le paysage bouché par les goliaths installés depuis Mathusalem.
Or ravi de constater que l'autrice a gardé son authenticité et sa volonté de créer son propre style et ses propres codes, s'affranchissant des contraintes de rentabilisations commerciales obligeant ceux qui s'y prêtent une aseptisation de leurs propos, une conformisation de la forme pour devenir ni plus ni moins qu'un contenu jetable sans âme sans cœur et sans intérêt consommé par la masse.
Ici, elle garde sa liberté créative conférent à ce film une véritable identité visuelle transpirant la personnalité et les intérêts de Ducournau, très porté sur le rapport au corps, le moi et le surmoi en total opposition, l'esthétisme extérieur respectable aux antipodes d'un intérieur pourri par ce qu'il y a de plus mauvais dans l'être humain caché à la vue de tous, ces vices cachés, ces pensées malsaines nous poussant dans nos pulsions les plus noires comme la réalisatrice l'a mis en image dans son précédent métrage.
L'histoire en elle-même est assez simple, celle d'un monstre créant un autre remplissant le néant affectif d'une personnage ayant eu à vivre une monstruosité de la vie l'ayant détruit physiquement et mentalement tel le monstre du départ fasciné par la fragilité de l'enveloppe corporel, celle-ci se rêvant non pas de chair et de sang mais plutôt de titane et de gasoil à l'instar d'une Cadillac respirant à ses yeux la vie faisant ainsi corps avec celle-ci.
La réalisatrice ne cherche en aucun cas à être explicite dans son fil conducteur et c'est au spectateur de faire la recherche intellectuelle pour comprendre pleinement son propos ce qui pourra en dérouter certains qui d'ailleurs devront surmonter en même temps leurs aversions lors notamment des moments de grands malaises, ces derniers faisant beaucoup d'effet sur le public de la salle où j'ai visionné le métrage.
En effet, les thèmes de la satisfaction, du plaisir (sentiment positif) passant par la souffrance, la déviance, la volonté de faire du mal, une bestialité irrationnelle (sensations et action négative) montrée de façon frontale sans effets de style désarçonne le spectateur pensant alors que le cerveau est monté à l'envers, ou que celui-ci est atteint voir pas composé de la même façon que lui.
Les personnages, loin d'être lisses à contrario de la plupart des autres métrages de l'industrie, sont globalement assez intéressants à suivre, chacun ayant une aspérité écornant l'image du caractère parfait et se rapprochant de la vraisemblance des personnes du réel (addiction à la douleur, au sexe, détachement du corps et de l'esprit, rejet de la déliquescence du corps, négation du deuil,...).
Ceux ci sont campés par un casting 100% investi n'hésitant pas à donner de leurs personnes tant dans les moments physiques, d'émotions ou de nudité sans aucune pudeur.
Vincent Lindon, Agathe Rousselle et dans une moindre mesure Garance Marillier livrent des prestations de très haut niveau, ces derniers arrivant pleinement à faire corps avec leurs personnages, transcrivant à merveille leurs émotions, sentiments et réflexions. Bravo à eux!
Agathe Rousselle, dont c'est le premier long métrage et grand rôle est promis, je pense, à une carrière fortement intéressante. Julia Decournau ayant le don de lancer des novices avec succès.
Concernant le travail visuel, comme évoqué récemment, il est très recherché, la réalisatrice cherchant à donner un caractère très organique, très physique, très brut sans effet de style ostentatoire à son image que ce soit à travers sa gestion de la lumière, par sa photographie très marquée mais aussi ce qu'elle filme et comment elle les filme (insert gros plan, mouvance des corps en action,...) donnant de magnifiques plans (dans la forêt en pleine nuit, avec le feu, dans la salle de bain, dans la Cadillac,...) démontrant tout le savoir faire de l'équipe technique.
Le magnifique travail visuel étant sublimer par une partition sonore de qualité que ce soit le mixage, bruitage ou encore la BO s'accordant parfaitement avec l'action ou mieux ce que doit ressentir le spectateur devant la scène.
Au final, c'est une confirmation pour cette jeune réalisatrice qui a réussi à ne pas perdre son identité en rentrant dans un moule qui aurait aseptisé son idée créatrice. C'est un métrage avec beaucoup d'envie, de savoir-faire et de volonté artistique qui même s'il souffre d'une scénario plutôt simple est suffisamment innovant pour divertir et intriguer le spectateur que je suis, qui est de plus conquis par l'interprétation halluciné des acteurs.
J'ai apprécié le film et je n'ai pas vu le temps passé.
Il y a de grandes chances que si vous avez aimé l'œuvre précédente de la réalisatrice que vous aimiez celui-ci. Je dois cependant prévenir que certaines scènes ou actes peuvent dérouter les plus sensibles d'entre nous.
A découvrir pour les fans du genre, de la réalisatrice et pour les curieux n'ayant pas trop l'âme sensible