Faut-il faire preuve de mauvaise foi (ça nous arrive à tous) pour ne trouver aucun sens à l’histoire de « Titane » ou pour avancer qu’il n’a pas l’envergure d’une palme à Cannes ?
Une chronique, qu’elle soit cinématographique, littéraire, photographique, picturale… n’est toujours que l’expression de celle ou celui qui la rédige. Faut-il être prétentieux pour penser le contraire. Il n’y a aucune vérité. Juste une subjectivité. Voici la mienne :
Titane, c’est l’histoire d’une filiation ratée, l’histoire d’une fille qui fuit son père et qui va tomber sur celui qu’elle aurait aimé avoir. La filiation et la famille, les thèmes étaient déjà abordés par Julia Ducournau dans « Grave », son précédent long métrage, qui, du moins sur les ¾ du film nous embarquait dans une histoire bien ficelée.
Pourtant, Julia Ducournau nous épargne les détails de cette mauvaise rencontre entre un père et sa fille. Dès la première scène, elle se contente d’évoquer quelques pistes dont le spectateur s’empare pour reconstruire sa propre vision de l’histoire. Et ça, c’est plutôt chouette.
Dans cet environnement familial scabreux, se construit Alexia, incarnée par Agathe Rousselle, inconnue du Grand Public, particulièrement convaincante. Plutôt bancale à l’âge adulte, la jeune femme est habitée d’une extrême violence. La violence (oui, c’est vrai, parfois à la limite du supportable) n’est pas une fin en soi dans « Titane ». Elle est l’expression du mal-être du personnage.
Les scènes d’action, dignes de celles d’« Un justicier dans la ville », sont particulièrement efficaces. Mais la comparaison avec Michael Winner s’arrête là. Ducournau y introduit une dose de burlesque et le film prend des allures de « série B » (on peut tout de même pouffer, ce n’est que du cinéma, même à Cannes !), sans oublier les références au cinéma d’épouvante des eighties, comme le clin d’œil à John Carpenter et sa fameuse Christine !
Et puis, il suffit de regarder l’excellent cinéma coréen, comme par exemple, « Old Boy » de Chan-Wook Park ou le (brrrrr !) « J’ai rencontré le Diable » de Jee-Woon Kim, histoires de vengeance par excellence, pour relativiser la violence que met en scène la réalisatrice récemment « palmée » !
Comme en littérature, avec la fiction, on peut tout se permettre. Comme dans « Grave », le fantastique servira de métaphore cinématographique pour aborder la psychologie du personnage et ses ressentis, ou encore la nature des événements qui bousculent ce dernier.
Enfin, le thème du deuil est porté par un Vincent Lindon (attachant et admirable) au bord du précipice. Quand la folie guette, il suffit parfois d’une rencontre pour s’en sortir. C’est finalement sur cette ouverture aux formes de libération, que le film referme la boucle sur la filiation.
Je suis sortie de la salle, touchée, remuée, sonnée.
Et c'est en fait un peu ce que je demande au cinéma.