Réaliser un bon film d’horreur n’est pas une tâche facile. Julia Ducournau le sait sans doute mieux que quiconque, elle qui s’était efficacement acquittée de la tâche avec Grave. Son second film, Titane, revisite le même genre, tout du moins en partie : son démarrage sur les chapeaux de roues (sans mauvais jeu de mots) invite le spectateur dans le quotidien d’Alexia, danseuse de salons automobiles la nuit, et tueuse en série la nuit aussi. Peut-être, ou peut-être pas, à cause de la plaque de titane qui lui a été implantée à la suite d’un accident de la route. Interrogation introductive qui peine à trouver une réponse, puisque par un concours de circonstances improbable, Alexia se retrouve rapidement fils de substitution pour un pompier au deuil impossible. Peut-être n’est-elle pas seulement de titane, mais aussi un peu garçon ? Ou peut-être quelque chose d’autre complètement ?
Le problème de Titane, c’est que le substrat touffu dont le film prétend jouer fini par se jouer de lui : toutes ces pistes lancées (l’hybridité, l’identité de genre, la filiation, la transmission) ne servent que de prétexte à des vignettes efficaces mais expédiées, comme si à chaque fois, Julia Ducournau reculait face à l’ampleur de la tâche qu’elle s’est elle-même fixée. Ce n’est pas pour rien que le film d’horreur qui ouvre Titane laisse rapidement la place à un film plus convenu, drame en huis-clos sur fond de famille dysfonctionnelle. Sur le papier, les deux sont plutôt réussis. Plutôt seulement, puisque l’horreur et la violence sont presque intégralement empruntées à d’autres (particulièrement le Cronenberg de Crash et le Carpenter de Christine). En pratique, ces deux films-dans-le-film n’ont surtout pas grand rapport entre eux. Et ce n’est pas la conclusion, qui tente dans un dernier effort de concilier les deux, qui résout ce dilemme :
Le bébé dont Alexia accouche, et que le spectateur aura eu tout le temps d’imaginer dans sa plus grande monstruosité (enfant tout de métal hurlant ? petite automobile en peau humaine ? trottinette électrique ?) est une défaite de l’imagination, puisque ce n’est rien de plus que ça : un bébé. Avec une colonne vertébrale en titane, histoire de dire.
Ce qui déçoit le plus, c’est encore, en rétrospective, à quel point Titane maquille des oripeaux du Zeitgeist un film conventionnel sur une grossesse suppliciée et diabolique. Film déjà vu et revu ailleurs, et surtout… en bien mieux.