Comment peut-on garder sa dignité dans un monde qui exclut tout échec? Comment peut-on rester un homme quand on perd ce qui fait de nous des pantins? Comment peut-on être un père si on gâche l’autorité due à ce rang? C’est dans ces questions que s’embourbe Ryûhei au lendemain de son retrait sans sommation de l’entreprise qui faisait de lui un individu à part entière… La honte et le manque de communication l’empêche bien entendu d’en parler à sa famille. S’en suit alors une course au paraître et une errance quotidienne à la recherche d’un retour en arrière. N’étant pas le seul dans ce cas, Ryûhei garde un certain espoir jusqu’à une humiliation de plus. Il aura alors un réveil dramatique. Oublier sa fierté ou mourir...


Megumi, femme et mère, coule peu à peu sous le poids de sa routine. Prisonnière d’une vie qui n’a pas de sens, elle suit une route tracée et sans recours. Alors, au moment où le film de sa vie change et prend son point de vue, elle se laisse embarquer dans une histoire loufoque, accompagnée d’un cambrioleur pas très doué (Kōji Yakusho, un habitué de Kuro). Petit moment de liberté, loin de son monde de ménagère, elle se laisse aller sous le vent et sur les vagues. Elle tente d'entrevoir une lumière…


Puis, un fils aux champs de batailles qui ne sont pas siennes et un autre qui essaye de se battre comme il peut pour toucher des doigts le bonheur.


Dans la famille Sasaki, il y’a donc le père qui erre, la femme qui se cherche, le grand fils en quête et le dernier qui aspire au rêve.


Est-ce qu’une lueur au bout du chemin existe vraiment ?
Peut-être au son des notes d’un Clair de Lune…


Cette fresque familiale, signée Kiyoshi Kurosawa, est bien loin de ses délires fantastico-dark aux couleurs horrifiques. Pourtant, son regard sur la société japonaise (ou autre), et ses dérives, est toujours présent. En misant sur le drame, sa lenteur caractéristique pourrait paraître longuette, mais son attention aux acteurs de cette vie en ruines est fin et sans fioritures. Une rupture de ton viendra bousculer la lignée alarmante du récit vers un absurde touchant, mais le fond restera le même. La perte de contrôle du père de famille dans une société patriarcale fait écho à l’impuissance de la mère et sa fuite. Et puis, au bout d’un dead-end, chacun rentre chez soi et oublie ses simulacres, pour un final superbe, au milieu d’une salle comblée de silence.

Lilange
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 2017: Conquêtes filmiques, Mes zazatiques - Soleil Levant et Mes filmos: Fantastic KiyoKuro-san

Créée

le 19 mars 2017

Critique lue 1.1K fois

38 j'aime

4 commentaires

Lilange

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

38
4

D'autres avis sur Tokyo Sonata

Tokyo Sonata
Lilange
8

Sonate au cœur des ruines

Comment peut-on garder sa dignité dans un monde qui exclut tout échec? Comment peut-on rester un homme quand on perd ce qui fait de nous des pantins? Comment peut-on être un père si on gâche...

le 19 mars 2017

38 j'aime

4

Tokyo Sonata
Docteur_Jivago
7

Le Déclin de l'Empire Familial

Kiyoshi Kurosawa reprend des thématiques si chères à Yasujirō Ozu pour mettre en scène Tokyo Sonata, où il s'intéresse aux difficultés connues par une famille dans le Japon actuel touché par la...

le 18 sept. 2017

24 j'aime

4

Tokyo Sonata
Jonathan_Suissa
10

Analyse

La première fois, j'ai vu (Tokyo Sonata). La seconde fois, j'ai regardé (Tokyo Sonata). C'est normal en même temps: j'avais déjà vu, je savais et c'était frais (moins de deux semaines). Je pouvais...

le 29 mars 2011

16 j'aime

11

Du même critique

Mud - Sur les rives du Mississippi
Lilange
8

Stand by Mud

Dear Jeff, Je suis tombée tardivement dans les méandres de tes pellicules poussiéreuses, et je m’en excuse humblement. Après tes histoires de familles dans Shotgun Stories et ton immersion...

le 13 juin 2016

79 j'aime

6

Le Tombeau des lucioles
Lilange
10

La bière de l’innocence

Il est des films qui ne quittent pas les mémoires et Le Tombeau des Lucioles (Hotaru no haka) est pour moi l’un de ceux-là. L’histoire de deux jeunes êtres, un frère et une sœur, Seita et Setsuko,...

le 6 mars 2016

75 j'aime

11

Your Name.
Lilange
7

Thread of Time

Il est des fils qui cassent, d’autres qui lient. Il est des noms qu’on crie, et d’autres qu’on oublie. Kimi no na wa… Monsieur Makoto Shinkai nous a habitués, il faut le dire, à sa vision des liens...

le 21 janv. 2017

74 j'aime

12