Quand une vie devient un roman ...
Entre Le Cercle des poètes disparus et À l'Ouest, rien de nouveau, Tolkien retrace la jeunesse de J.R.R. Tolkien, auteur bien connu des histoires de la Terre du Milieu.
L'aventure commence un peu comme Narnia, deux orphelins confiés à un prêtre qui les confie à son tour à une riche personne âgée.
Et très vite, l'entrée à l'école convoque Le Cercle des poètes disparus dans une première partie où Tolkien rencontre, dans un collège huppé où il est mal à l'aise en enfant issu de la ruralité, ceux qui deviendront ses meilleurs amis d'enfance, les membres de sa future confrérie littéraire tout à fait secrète et officieuse. Ces artistes en herbe, qui n'ont nul besoin d'un Keating, se retrouvent en salon de thé et dans les lieux les plus incongrus pour partager leurs oeuvres de jeunesse, incompris de parents qui voudraient en faire des professionnels jugés plus respectables. Ces aventuriers de l'écriture, de la peinture, de la musique, sont aussi aventuriers du quotidien et disposent d'un cri de guerre: "Hellheimer !"
En parallèle, un amour à la Pagnol qui, lui, s'il connaîtra un tourment premier, s'achèvera positivement dans la seconde partie.
Seconde partie où, tandis que Tolkien trouve sa voie et son Mentor, voit éclore la guerre. Le métrage engrange alors un récit plus proche du chef-d'oeuvre de Remarque. Tolkien devient de ce fait un Paul Baümer dont les amis mourront physiquement ou psychologiquement, les survivants portant toutes sortes de stigmates.
Les deux parties s'entre-croisent, toujours parallèles, pour mettre au jour les influences de Tolkien: la poésie, la philologie, la Tétralogie de Wagner, les récits de dragons de la mère au coin du feu illustrés par une lanterne magique, d'une part, et le champ de bataille, les mares rouges de sang, les explosions, les gaz verdâtres, les lance-flammes soudains, les cavaliers, les hautes murailles de flammes et de fumées, d'autre part, qui seront autant de dragons, de Nazgûls, d'enchantements maléfiques ou d'apparitions de Sauron. Un terrible mais sublime champ de cadavres et de braises, au Pays de Mordor où s'étendent les ombres.
Mort dort ?
Car, oui, en plus d'être une condamnation de la guerre, un biopic en Bildungsroman et un récit de deuil et d'apprentissage du survivant, Tolkien est aussi une belle ode à la poésie, au fait littéraire. Les mots les plus simples, les plus prosaïques, deviennent la porte d'entrée d'un monde inconnu à explorer. Les langues anciennes, mortes, deviennent le creuset de langues nouvelles, fictives, mais appelées à naître. La mythologie de Cellardoor et l'avènement de la langue elfique.
Tolkien, bien plus qu'un simple biopic, ne se contente pas non plus d'un ingénieux tissu du plus célèbre film de Peter Weir et du plus renommé des romans d'Erich Maria Remarque. Il se fait art poétique et invite à l'imagination comme à l'écriture. Repenser le monde, repenser la vie, comme De Nerval écrire sa mythologie pour masquer de rêve et d'espoir l'horreur et le deuil, pour faire de la vie cynique et basse une réelle et belle aventure.An unexpected jouney.
Hellheimer, brothers !