Ce n'est pas innocent que ce soit un ami philosophe et poète à ses heures perdues qui m'ait conseillé d'aller voir ce film. J'y suis allée en parfaite ignorante, faisant partie de ces quelques martiens qui n'ont jamais lu/vu le Seigneur des Anneaux. Et je ne le regrette pas, car cela m'a permis de me laisser porter par l'émotion, au lieu d'en chercher le réalisme.
Le film a quelques défauts, soyons clairs. Il n'a pas la tension d'un Cercle des poètes disparus, il hésite en permanence entre le réel et le symbole (cf la scène de l'opéra) alors que le réalisateur souhaitait visiblement l'ancrer dans le réalisme pur.
Mais il y a le reste. Et le reste, c'est l'émotion pure qui prend à la gorge.
Pour moi qui suis une pure littéraire, qui aime les mots, leur nature profonde et leur jeu, je me suis pleinement retrouvée dans ce film. On atteint là le véritable coeur du métier d'auteur, qui semble parfois perdu de vue : l'auteur est un conteur. Un magicien. Celui qui va jouer avec les mots, avec leur sonorité et leur sens, pour nous emporter dans un autre monde. Un livre se lit avec les yeux, mais aussi avec la voix. Il se déguste mot à mot, il nous enivre de ses sonorités chatoyantes.
"Savoure chaque mot, Meggie [...] laisse-les fondre sur la langue. Savoure-les, Meggie, et tout va s'éveiller à la vie."
Cornelia Funke, Coeur d'encre
J'ai aimé Tolkien, parce qu'au-delà d'être un film sur un auteur, c'est un film sur l'écriture. Un film universel sur l'idéal d'écriture. Peut-être le fait que je ne connais guère Tolkien m'a aidée à me projeter plus facilement, à passer plus facilement du particulier au général. Il n'empêche : je comprends pourquoi c'est mon ami philosophe et poète qui m'a conseillé de le voir. Le lien entre prose et poésie est si limpide, après avoir vu Tolkien.
Bref, je recommande à mon tour ce film.