S’il faisait avec son précédent film, Un monde sans femmes, son conte d’été, avec Tonnerre Guillaume Brac semble faire son conte d’hiver. Passant de la station balnéaire d’Ault, sur la côté d’Opale, au village enneigé de Tonnerre en Bourgogne. Passant ainsi d’un film d’apparence solaire, mais accompagné de pincements, de grains de sables dérangeants et de coups de soleil, à quelque chose de beaucoup plus rugueux, de plus âpre, et de plus intense et violent. Deux films à fleur de peau, mais si dans l’un cette peau était dévoilée en plein jour, dans l’autre elle est emmitouflée dans des blousons couverts de neige.
Il est intéressant de voir que ce changement de climat, de lieu, entraine un basculement et une nouvelle approche de mise en scène par rapport au film précédent. Mais les basculements se font également au fil d’une narration instable, n’hésitant pas à passer de la comédie à la tragédie, à impulser une passion amoureuse puis à plonger dans des tréfonds ténébreux.
Pourtant, au fond, les deux films racontent à peu près la même chose, la peur de rester seul et la difficulté de savoir aimer. Les personnages de ces films, qu’ils soient masculins ou féminins, ne parviennent pas à exprimer leur amour de la façon dont ils le souhaitent. Parfois poussés par un excès émotif les faisant déborder dans l’obsession ou la passion déraisonnée (c’est le cas du personnage de Macaigne, surtout ici) ou parfois engoncés dans un corps qui refuse d’exprimer réellement ce qu’il ressent.
Ici Macaigne est Maxime, un rocker en période de doute, qui s’installe quelques semaines chez son père (Bernard Menez, qui est bien plus qu’un clin d’œil de filiation entre Rozier et Brac, mais qui crée une dimension supplémentaire) et qui fait la rencontre d’une jeune fille, Melody dont il va tomber amoureux. Cette présence de Menez permet au cinéaste d’ajouter à son histoire d’obsession amoureux une relation père-fils.
Comme dans Un monde sans femmes, Brac s’attarde sur le lieu, ses habitants, mêlant acteurs professionnels et amateurs. Ca donne au film sa fraicheur, son instabilité. Le film est très beau lorsqu’il lâche prise. En faisant durer des scènes, en laissant s’exprimer les acteurs, Brac parvient à saisir des moments de grâce ou de folie. Autant dans la relation entre le fils et son père, qu’au sein de cette histoire amour. C’est dans ces excès de liberté, lorsque le film sort de son écriture, qu’il devient drôle, émouvant ou dérangeant. C’est dommage qu’en parallèle d’autres séquences restent cloisonnées dans quelque chose de trop calculé, de trop démonstratif en termes d’écriture et du coup de moins spontané. Mais malgré ces maladresses je trouve le film très réussi.