Un film qui m'a toujours faite mourir de rire, tout en se réjouissant du discours progressiste envers les femmes qu'il dispense sans jamais prendre la tête avec aucun féminisme. Tout passe par le cynisme, l'humour et les situations cocasses, pour éviter les gros sabots dans lesquels le film aurait pu plonger s'il avait cherché la facilité de la polémique évidente. Sydney Pollack s'est inspiré de sa propre mère pour créer Dorothy, toujours une bonne source d'idées pour des gags réussis, sacrées mamans - on vous aime, et on vous craint. Tootsie (titre venu du surnom de Dustin Hoffman quand il était gamin) se révèle brillant surtout grâce à son interprétation magistrale de Dustin Hoffmann (à la fois Michael et Dorothy), un homme que nous n'aurions jamais imaginé supporter la perruque, le maquillage et la robe à faux-seins. Et son homologue féminin Dorothy compte bien ne pas se laisser faire dans la société qui réduit les femmes à des rôles de potiches juste bonnes à se laisser embrasser (que de coups reçus par le docteur de la série, il en prend plein la tête). Il/Elle n'a pas sa langue dans sa poche, et compte bien se servir de ses poings pour se faire entendre. On adore vite cette humour à double-jeu : en même temps que le personnage féminin essuie un machisme de plus, l'homme sous la perruque s'offusque du regard des hommes sur les femmes (ses soupirs semblent sans cesse dire "J'étais vraiment comme ça ? Comment j'ai fait pour survivre ?"). Cette tête est impayable, Hoffman fusille du regard comme seules nos mères savent le faire. On apprécie aussi que le discours ne généralise pas, il pioche quelques exemples précis de goujats (dont Michael au début, en plus) pour les faire évoluer. Mais l'intrigue ne s'arrête pas là, heureusement. Il y a aussi des rencontres douces-amères entre la collègue dont Michael tombe amoureux secrètement, son père qui est veuf et tombe lui-même amoureux de ce personnage féminin inexistant, le tout saupoudré du cynisme du colocataire (un Bill Murray discret mais toujours très drôle) et les rendez-vous manqués avec "l'amie et plus" de Michael... Tout ce petit univers est un sac d'embrouilles que l'intrigue adore secouer pour nous faire bien rire. Le final est aussi mignon que drôle, cela se termine de la meilleure façon qui soit (honnêteté, et refus d'une happy-end trop nette et facile), et la douce romance nous laisse rêveurs... Réussi jusqu'au bout.