Un des meilleurs films de sous marin sur la deuxième guerre mondiale tiré de vrais coups maritimes

Parmi la cinquantaine de films de sous marins recensés par les anthologies, la majorité sont des films de guerre se rapportant au XXeme siècle, soit aux deux guerres mondiales, soit à la guerre froide. Si on excepte le meilleur d'entre eux, Das Boot (Le Bateau), de Wolfgang Petersen,  de 1981, chef d'oeuvre indépassable de réalisme, de suspense, d'émotions, d'intelligence et de prouesses technologiques, c'est parmi les plus récents (entre 1990 et 2020) qu'on trouvera les plus captivants.

Pourtant, de la liste complète émergent aussi quelques opus tournés entre 1950  et 1990, dans l'après 2eme guerre mondiale. Par exemple Run Silent, Run Deep, l'Odyssée du Sous-marin Nerka, 1958, est un noir et blanc de Robert Wise sympathique,  mais c'est surtout celui en couleurs de Dick Powell l'année précédente, en 1957, The Enemy Below - Torpilles sous l' Atlantique, qui génère une sorte d'affection et c'est un vrai plaisir de le revoir de temps à autre.

Parmi ses atouts, on ne doit pas sous estimer le partage des couleurs entre celles, éclatantes, bleues, blanches et grises, de la surface où évolue le destroyer américain et celles, ocres et rouges, dorées mais sombres, du confinement dans le sous-marin allemand, une symétrie alternante très plaisante à l'oeil dans la mise en scène de ce duel militaire à la fois reflexif, psychologique et physique entre les deux capitaines, joués par Robert Mitchum et Curd Jurgens. Le directeur photo est le vétéran Harold Rosson, celui des Technicolor de The Wizard of Oz - le Magicien d' Oz et de Singing in the Rain - Chantons sous la Pluie) et auparavant des noir et blanc du  premier Tarzan, ou de The Asphalt Jungle - Quand la Ville dort.

Il y a surtout un bon équilibre entre la transmission au spectateur de l'excitation de l'affrontement intellectuel et psychologique, une sorte de jeu d'échecs à distance entre les deux tacticiens, et le suspense des conséquences. Les déductions aléatoires des capitaines ont une traduction immédiate et risquée dans des mouvements de vaisseaux spectaculaires : accélérations et immobilisations, explosion des grenades lancées par ceux du haut, envoi des torpilles par ceux du bas, et pour finir un engagement des bâtiments qui s'entremêlent, comme un corps à corps de monstres marins dissemblables.

Un autre atout, sur le versant romanesque, est que nous suivons les qualités tactiques de la bataille sans vivre l'oppression et les serrements de coeur qu'apporterait une expression réaliste de la peur ou de la haine chez les marins et les sous-mariniers (des sentiments très fortement communiqués dans le remarquable et récent récit de guerre et de destructions navales Dunkirk, de Christopher Nolan, 2017). Au contraire, le duel des vaisseaux est ici associé à des sentiments toujours nobles - évidemment trop nobles. On est bien plus dans un film d'aventures historiques et maritimes que dans un vrai film de guerre. 

Cependant le romanesque reste sobre, sans emphase : estime entre adversaires, puis respect et compassion, et la  loyauté entre officiers et subalternes des deux camps est la règle (dans beaucoup d'autres de ces  opus de sous-marins sont fréquentes les rivalités conflictuelles entre militaires du même bord pour le pouvoir de décider, et même, dans les films les plus antiques, pour les femmes). 

Les manoeuvres du destroyer et du sous - marin, captivantes, seraient - elles alors seulement, dans leur épatante simplicité, des inventions astucieuses du cinema d'aventure ? Non, car le film est tiré d'un livre de Denys A. Rayner, un des commanders les plus décorés de la Royal Navy anglaise qui a "fictionnalisé", rassemblés et densifié dans  son roman du même titre "The Enemy Below" quelques coups fameux et très réels entre les flottes de surface et les U Boats allemands, des coups eux-même repris de son récit détaillé de batailles dans ses mémoires  : "Escort : The Battle of The Atlantic". 

Nous sommes donc  ici d'un côté dans une catégorie "divertissement" avec une sorte d'idéal, pour petits et grands, de la représentation de la guerre mais de l'autre côté, dans un genre de docufiction réaliste pour les péripéties tactiques de la bataille navale. 

Le fantasme de la bonne guerre, plutôt propre - on ne voit pas de grands dégâts humains - est ici heureusement dénuée de propagande patriotique grossière et les qualités positives dans un conflit armé sont incarnées par deux bons acteurs de l'époque, chacun étant une star dans son pays. C'est cet ensemble qui fait de ce petit film de Dick Powell, acteur prolifique devenu tardivement réalisateur, une réussite pour notre mémoire d'amateur. 

On l'apprécie d'autant plus que ce n'est pas si facile. Voyons à l'inverse comment Samuel Fuller,  un réalisateur émérite et que nous aimons beaucoup, qui plus est un grand connaisseur de la guerre (qu'il fit dans une division d'infanterie célèbre, la Big Red One), a commis le pire film de sous marin qui soit avec Hell and High Water - Le démon des eaux troubles, en 1954, un film de propagande chauvin, au scénario grotesque, et esthétiquement très laid. Tels sont parfois et même souvent les paradoxes que le cinéma nous fait vivre :  on ne sait pas vraiment comment se sont combinés les ingrédients qui font la magie d'un bon film.

Michael-Faure
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le 18 oct. 2024

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