Comme tous les cinéastes italiens du genre, Sergio Martino est un peu schizophrène, capable de livrer des chefs d’œuvre de sensualité (L'étrange vice de Mme Wardh) comme du bon gros bis dénué de sens commun (Le dieu alligator). Torso a ceci d'intéressant qu'il combine habilement ces deux aspects de son œuvre pour livrer un résultat assez frappant.
Giallo aux faux airs anachroniques de slasher, Torso paie aussi largement son tribut à Hitchcock, notamment dans une dernière demi-heure de cache-cache mémorable ; la mise en scène est millimétrée, les traditionnels indices et fausses pistes distillés régulièrement, et le récit ponctué de scènes de meurtre particulièrement marquantes. La poursuite d'une des victimes dans une forêt en plein orage est un modèle de cadrage, de montage, d'éclairage et de direction artistique.
Pour autant, le film est parfois d'une vulgarité à toute épreuve, abreuvant le spectateur de nichons débordants, de mâles aux regards torves, de hippies frustrés, etc... chaque acte de débauche conduisant mécaniquement au meurtre, perpetré par un assassin cagoulé brutal. Ce qui pourrait relever du simple mauvais goût typique du bis italien est toutefois à mettre en parallèle avec les décors invariablement riches et marqués d'histoire.
Nous ne sommes pas comme chez Argento dans des appartements modernes et impersonnels, mais dans des lieux chargés culturellement : la vieille ville de Pérouse, sa cathédrale bardée de fresques, un appartement meublé façon XVIIIème, une villa perchée dans les hauteurs d'un village typique de l'Ombrie... La dichotomie est savoureuse et peut faire sens : peu importe le raffinement affiché, l'essentiel tournera toujours autour des bas instincts humains ; et peu importe le type de cinéma pratiqué, rien n'empêche de soigner son travail... Une leçon que Martino, tout aussi éclectique qu'il soit, aura toujours mise en application.
Torso est donc un petit classique, pas exempt de défauts (musique timide, mannequin en mousse, baston western un peu hors-sujet), mais porté par une énergie et un goût pour la mise en scène assez rares pour être soulignés.