Il y a 20 ans, au virage du nouveau millénaire, alors que j'avais moi-même une vingtaine d'années et que lui avait dépassé la trentaine, il y eut une brève période où Samuel Le Bihan était l'un des acteurs français les plus charismatiques. Un cran en dessous de Vincent Cassel et Romain Duris, sans doute, mais juste après venait Le Bihan, héros valeureux de films appréciés du jeune public, comme "Le pacte des loups", "Total western", "La mentale", "Trois zéros"...
Sans oublier des titres de réalisateurs plus confirmés tels que Tavernier ("Capitaine Conan"), Wargnier ("Une femme française"), Corneau ("Le cousin"), dans lesquels le comédien breton tenait des seconds rôles consistants.
Cette âge d'or n'a pas duré, au point que le cinéma boude désormais complètement l'acteur, reconverti à la télévision, mais Le Bihan laisse à la postérité quelques rôles emblématiques, à l'image de Gérard Bédécarax, gentil truand embarqué dans une sale affaire, et contraint de se planquer dans un centre d'hébergement pour jeunes délinquants, paumé au beau milieu de la campagne aveyronnaise.
Un décor ciné-génique, des seconds rôles "cultes" (Jean-Pierre Kalfon, Jean-François Stévenin), un scénario classique mais efficace, et un réalisateur plutôt doué (Eric Rochant) : "Total western" était né sous de bons auspices, mais ce film de gangsters rural ne tiendra pas toutes ses promesses.
En effet, les petites frappes de banlieue qui peuplent le centre apparaissent hyper caricaturales, avec plusieurs personnages trop semblables, aux caractéristiques similaires. On sent bien une part de second degré chez Eric Rochant, dans un univers proche de la BD, mais ça ne fonctionne pas toujours.
Ainsi, les péquenots du coin qui jouent à faire la guerre sont trop peu et mal exploités, de même que Stévenin, rapidement écarté, tandis que les jeunes délinquants apparaissent invincibles, comme si Rochant et son coscénariste Laurent Chalumeau reculaient à l'idée de rebuter leur public-cible (une vraie boucherie eût été préférable!).
De façon plus anecdotique, on regrettera que le rôle de la jeune "beauté" soit confié à une comédienne masculine et sans charme (qui évidemment ne fera pas long feu dans le métier) : ce ne sont pourtant pas les jolies petites beurettes qui manquent...
"Total western" reste néanmoins un bon divertissement façon série B, à la croisée du film de gangsters, de l'actioner et du western. Le réalisateur fait preuve d'une bonne gestion de l'espace et d'une vraie ambition formelle, capable d'installer une atmosphère crépusculaire du meilleur effet (voir la scène finale, audacieuse).
On ne s'ennuie pas au cours de cette péloche nerveuse, violente et parfois comique, mais on se dit qu'il ne manquait pas grand chose pour placer "Total western" un cran au-dessus parmi les bons souvenirs de cette époque.