Toto et ses soeurs fait partie de ces films qui vous font un tel choc que, en sortant de la salle obscure, il est nécessaire de reprendre son souffle et respirer. En effet, le documentaire de Nanau est mon premier film de 2016 et c'est un excellent début! Le fait que le réalisateur ait décidé de faire un documentaire axé sur la vie des personnages sans s'y insérer est un choix judicieux. Comme il le dit lui-même, "filmez-vous une année, vous obtiendrez une histoire" : cela en fit un documentaire quasi-scénarisé, l’histoire devenant aussi importante que la réalité filmée. Son choix de rester en dehors de la vie de Toto et de ses sœurs nous permet donc de mieux s'attacher à ces derniers. Car l'absence de voix-off ou d'interviews en plan fixe facilite l'insertion du spectateur dans la vie de ces jeunes Roms dont le quotidien est désespérant.
Alors que Totonel, plein de joie de vivre et d'entrain, ne demande qu'à être avec sa famille et profiter des plaisirs simples de la vie, sa mère est en prison, sa soeur aînée se drogue et amène des toxicomanes tous les jours et toutes les nuits (empêchant Toto de dormir convenablement), et son autre sœur se bat entre l'envie de tout laisser tomber et les responsabilités qui lui incombent. Quelle lourde tâche que celle de survivre dans ce milieu! Toto fait encore mieux que simplement survivre, d'ailleurs. Malgré toutes ces atrocités, certaines scènes marquent son incroyable facilité à passer outre ces problèmes (du moins ne se rend-il pas totalement compte). Par exemple, quand il arrive en retard à l'école car il n'a pas pu dormir, il annonce cela en rigolant, la prof étant d'ailleurs indulgente. Mais quand on se dit que ses oncles se droguent et empêchent le jeune d'avoir une vie saine, ce sourire de Totonel fatigué ne peut que nous horrifier.
C'est pourquoi ma scène préférée est celle où Andreea et Totonel, passés à l'orphelinat, prennent une vidéo d'eux-mêmes: sa soeur essaie de lui faire comprendre le sérieux de la situation, mais Toto ne pense qu'à faire des grimaces. Cette scène hilarante est une sorte de résumé de tout le film: malgré toutes les atrocités qui entourent Totonel tous les jours, ce dernier ne tombe pas dans la tristesse ou le désarroi et continue à rire de tout. C'est d'ailleurs grâce à cette attitude qu'il parviendra au podium d'une compétition de break-dance, ne pouvant s'empêcher de pleurer quand ses profs le félicitent.
Ce film est donc magnifique car dresse le portrait d'un jeune extrêmement sensible et plein de bonté, qui ne demande qu'à pouvoir apprécier la vie dans son entier, tandis que tout, autour de lui, est en train de s'écrouler. Qui sait si la mère, bien que sortie de prison, ne va pas refaire les mêmes erreurs? Totonel aura au moins eu ces quelques moments de bonheur, bien que cela ne nous permette d'ignorer le futur incertain de lui et ses soeurs.