Quelques années après "Chantons sous la Pluie", Arthur Freed produit à nouveau un scénario écrit par Betty Comden et Adolph Green. Comme il aime faire les choses bien, il ré-engage aussi Cedric Gibbons pour s'occuper de la direction artistique, ce dont nous ne pouvons nous plaindre.
Dans "Singing in the Rain", place était faite à la nouvelle génération bondissante, les Stanley Donen/Gene Kelly (qui avaient donné un sacré coup de jeune à la comédie musicale en 1949 avec "Un jour à New York") pour la plus belle déclaration d'amour jamais faite au cinéma.
Dans "Tous en scène", la déclaration d'amour est plus directement adressée à la comédie musicale, la vraie, "old fashion", celle de Broadway et de Fred Astaire. (Le titre "the Band Wagon" reprenant d'ailleurs un des plus grand succès de Fred sur scène au début dès années trente).
Pour cet hommage, on reprend les ficelles les plus classiques, en racontant l'histoire d'une comédie musicale en train de se créer, avec comme personnage principal, Tony Hunter, une ancienne gloire de Broadway au succès hollywoodien un peu oublié. Dans ce rôle auto-parodique, Fred Astaire fait des merveilles, tour à tour drôle et émouvant, mais sans jamais perdre son sourire légendaire, ou bien si peu...
Le reste du casting est tout aussi transparent de vérité, Cyd Charisse dans le rôle de la danseuse étoile qui change de registre, Oscar Levant (vous ai-je déjà parlé d'Oscar Levant ?) joue un hypocondriaque et la partie masculine du couple de scénaristes que les auteurs du film n'ont pas eu à chercher très loin... Jack Buchanan, qui a parfois abusé des rôles de réalisateur/acteur/scénariste/producteur trouve lui aussi ici un rôle taillé sur mesure.
Le message du film tient dans le titre d'un de ses numéros vedettes "That's Entertainment", et rarement philosophie n'aura été mieux suivie que dans ce film. Les numéros prestigieux alternent sans faillir, harmonieusement placés dans le scénario du film sans jamais en détruire le fragile édifice.
La scène d'introduction est tout simplement géniale, le numéro dansant qui suit, dans la fête foraine,"There's a shine on my shoe" est éblouissant, et le spectateur sera ainsi servi jusqu'à la fin, avec une succession de villes et de numéros, dont on retiendra l'extraordinaire et hilarant "Triplets". On relèvera aussi le formidable hymne à la bière, chanté avec l'accent Autrichien par un Fred Astaire visiblement très amusé par ce retour à ses origines.
Le numéro final, parodie complètement géniale des films de détectives, "Girl Hunt Ballet" propose un des plus grand sommets du genre, souvent imité, mais à jamais inégalé.
Pour son premier grand rôle, Cyd Charisse, venue des Ballets Russes, apporte ici tout ce que Leslie Caron ratait dans "Un américain à Paris", la classe, la sensualité, une façon bien à elle de porter du vert de la tête aux pieds et des corsages pornographiques. Son numéro de danse dans le parc avec Fred Astaire est une merveille de grâce, et il faut quelque temps au spectateur pour se remettre de la vision féerique de la plus longue paire de jambes de l'histoire du cinéma.
Vincente Minnelli vous enrobe tout ça avec sa dextérité habituelle, et il ne vous reste plus qu'à déguster le tout bien frais, avec un sourire béat aux lèvres.