Un mélo en appelant un autre, je suis passée des films de Todd Haynes à ceux de Douglas Sirk et ai atterri naturellement dans le jardin de Jane Wyman, bourgeoise de la province américaine des années 50, parfaitement intégrée à son milieu jusqu'à ce que Rock Hudson y fasse irruption. Et cette histoire dramatique d'un amour contrarié met le doigt sur cette plaie sociale qu'est le conformisme, et raconte la difficile (voire impossible, il faudra voir le film pour le savoir...) émancipation d'une femme dans l'Amérique bornée de l'époque. Cette fois, l'étroitesse de vue est du côté des nantis (apprécions au passage l'étonnant retournement de situation qu'on nous présente actuellement... la vérité doit se trouver quelque part au milieu), qui constituent de petites communautés frileuses bien serrées aux des tempes. Heureusement, l'héroïne a su garder une certaine fraîcheur au milieu de ses commères à la naphtaline de copines. Mais elle subit une pression folle, toxique et apparemment gratuite de tous, y compris de ses égoïstes d'enfants, purs produits de leur milieu. Elle n'a pas contribué à leur élévation d'esprit, elle le paie. La charge est plutôt lourde et les boulets tombent à foison sur les bien-pensants confits, abreuvés de cocktails bien tassés et farcis d'idées rances. Malgré tout, le charme opère, grâce au savoir-faire du réalisateur d'origine allemande qui a tâté en son temps du 'lent avachissement' (j'emprunte à Zola, hop) de sa société naturelle. Au final, la démonstration arrive à son terme, sans grande surprise (on se demande quand même de quel côté va finir par pencher la balance) et on a passé un excellent moment, finement ficelé, soigné, rôti à point, baignant dans des couleurs éclatantes (quoiqu'un peu changeantes en raison d'une copie vieillie) et servi par des mouvements de caméra plutôt bien choisis. Autant ne pas bouder cette occasion de brocarder les obtus !