37% des chefs d'entreprise aux États-Unis seraient des psychopathes. Ne nous étonnons pas du malaise qu'on ressent donc à suivre des gens maigrichons et pâlots, cintrés dans des costumes anthracite, dans des couloirs gris menant à des bureaux vitrés aussi accueillants qu'une baignoire en inox. Pas plus que de se sentir aussi à l'aise, devant ces tours grises réfléchissant le vide du ciel, qu'un chiot devant un film d'art et d'essai tchèque. Ou de ressentir autant d'empathie devant les personnages de ce petit conte désincarné qu'une hyène devant une pâtisserie végan. Bref, autant dire que ça n'est pas l'enthousiasme qui me meut au moment d'écrire ces lignes, malgré la qualité de l'interprétation de la plupart des acteurs, Lambert Wilson en tête. Mais ce film français me semble à la fois trop français et et trop américain... Français par l'invraisemblance alambiquée des relations entre les personnages, qui se prennent le chou avec une belle constance, parfois depuis des décennies, pour se gâcher la vie en éliminant de manière acharnée chaque étincelle de plaisir qu'il pourraient y trouver. Par la lourdeur des relations familiales, aussi, plombée par leurs caractères ingrats ou un passé embarrassant. Américain par la plongée dans l'univers anaérobie des grandes entreprises, mètre étalon actuel d'une forme de succès qui file la chair de poule. Alors, bon, d'accord, le film dénonce tout ça, mais en adoptant les codes de ce qu'il épingle, si bien que nous, eh ben, on passe une heure trente en apnée, à guetter la petite nuance cocasse bien cachée sous une tonne de grisaille morose.