Même inconsciemment, l'ombre de Kevin Spacey planait constamment durant les 130 minutes que j'ai passé devant « Tout l'argent du monde », ce qui n'est pas franchement à son avantage. Non pas que son remplaçant au pied levé, Christopher Plummer, ne soit pas excellent, au contraire. Mais je n'ai pu m'empêcher de voir ce film autrement que dans une logique stalinienne où l'on effaçait des photos des « ennemis du régime » vis-à-vis d'un acteur emporté par l'affaire Weinstein sans même avoir été jugé. Si bien qu'à chaque apparition de J. Paul Getty, je me demandais : « qu'est-ce que cela aurait donné avec Spacey, qu'est-ce que cela aurait donné avec Spacey ? ».
Et sincèrement, je n'en sais rien. Pas un chef-d'œuvre, sans aucun doute. Mais si je me suis autant posé la question, c'est peut-être parce que le film n'est pas franchement réussi. Si le fait divers est en lui-même fascinant et extrêmement dérangeant, permettant quelques scènes pour le moins troublantes (principalement du côté du milliardaire mais aussi chez les ravisseurs), Ridley Scott a beaucoup de mal à donner un véritable style à son scénario, s'éloignant parfois de la vérité historique pour un résultat bien peu concluant (je pense principalement à la poursuite finale dans les rues italiennes, pas loin de me faire sourire).
Cela a beau être plutôt bien fait, c'est un peu long, ce qui peut parfois se justifier quant à « l'attente », mais on frôle l'overdose sur la durée. Bref, comme souvent chez Scott ces dernières années, c'est techniquement irréprochable, sans être son plus beau travail non plus. Mais alors que tous les éléments semblaient réunis pour une grande réussite, le cinéaste ne tire pas le meilleur du projet, la faute également à des personnages trop fades ou souvent pas assez complexes pour nous stimuler réellement, les prestations correctes mais sans éclats de Michelle Williams et Mark Wahlberg venant confirmer cette impression. J'aurais en définitive presque plus à vous dire sur mon ressenti concernant l' « effacement » de Kevin Spacey que sur le film : pas forcément bon signe...