Contrairement à ce que pourrait laisser penser la bande-annonce, le premier long-métrage de Céline Deveaux n'a rien d'une énième banale comédie française. Il se démarque par la justesse de son écriture, autant des dialogues que du récit et par l'originalité et même l'audace de sa mise en scène.
Porté par un duo d'acteurs qui fonctionne très bien, Laurent Laffite et Blanche Gardin, c'est un véritable plaisir de voir interagir et évoluer les deux personnages. Jeanne est au bord de la dépression suite à un échec professionnel qui se superpose à une étape douloureuse de sa vie personnelle. Toute en retenue, la rencontre avec Jean, plus impulsif mais non moins rempli de doutes, est parfaitement orchestrée. Grâce à la justesse des dialogues, elle semble naturelle et fluide. La désinvolture de Jean confrontée à la fuite de Jeanne leur offre un rythme plaisant, celui de deux être blessés qui cherchent à se soutenir. Les quelques gags que cela engendre sont réussis. Souvent sous forme de phrases prononcées par Jean, ils ont le mérite d'être drôles et touchants à la fois. L'intelligence du récit est effectivement de ne pas créer de rapport de force entre Jean et Jeanne. Les deux apparaissent avec leurs blessures respectives, et c'est cela qui crée une douceur très agréable tout au long du film.
Les thèmes abordés sont également intelligemment traités. Le thème principal est donc la dépression qui, grâce à une mise en scène atypique et bien pensée, bénéficie d'un traitement clairvoyant. Des cartons dessinés et animés parsèment en effet le récit et offrent beaucoup de liberté à Céline Deveaux pour retranscrire au spectateur l'état dans lequel plonge une dépression. Ces cartons se présentent comme la matérialisation d'une voix intérieure de Jeanne et interviennent principalement lors de ses pensées négatives. Ils démontrent la difficulté d'assumer un état de dépression et de vivre avec dans une société où le regard d'autrui est si important. L'esprit de Jeanne est occupé à la culpabiliser, à la rabaisser. Le traitement n'est jamais moralisateur ou empathique mais reste plus subtil.
L'autre thème abordé est le deuil puisque la mère de Jeanne s'est suicidée récemment. Si quelques animations sur les imperfections de la relation mère/fille sont parmi les meilleures scènes du film, le traitement dans le film du deuil est malheureusement plus classique. Jeanne va en effet essayer de comprendre pourquoi elle a vu un fantôme de sa mère en arrivant dans l'appartement lisboète qu'elle habitait, pour le ranger et le préparer à une mise en vente. Sans les cartons animés, le récit aurait vite donné l'impression de tourner en rond et aurait été bien moins surprenant. Ce ressenti finit d'ailleurs par arriver un peu après la moitié du film, lorsque le spectateur a fini par comprendre que le seul dénouement du film serait une acceptation de ses états de dépression et de deuil par Jeanne. Il reste heureusement du plaisir à prendre lors de nouvelles scènes entre Jean et Jeanne, mais l'intérêt n'est plus aussi fort qu'aux premiers instants.
Les dernières scènes du finale sont également légèrement décevantes et laissent entendre qu'après avoir décidé de se laisser porter par la relation amoureuse naissante entre Jean et elle, Jeanne a trouvé la porte de sortie de sa dépression. Il est fort probable que la réalité soit plus nuancée que ce dernier dessin en noir et blanc.