On aurait aimé plus de grinçant dans le traitement que le génial François Ozon allait faire de cette histoire (vraie).
Et pourtant le réalisateur, qu'on a connu comme le révélateur manipulateur et parfois pervers de travers et de mensonges familiaux, en reste ici au premier degré, et livre un film-hommage à son amie Emmanuèle Bernheim, d'un grand classicisme, dans le propos comme dans la forme, d'une grande sobriété et, dans sa pudeur, parfois d'une grande beauté.
Le sujet politique, s'il est évoqué, n'a aucune portée dénonciatrice (a contrario du superbe Grâce à Dieu qui, dans son objectivité formelle, allait pourtant loin), l'humour apporté pour "détendre l'atmosphère" est parfois maladroit dans sa bouffonnerie (les scènes entre Eric Caravaca et André Dussollier peuvent même s'avérer gênantes), parfois grinçant dans sa méchanceté (Dussollier, en mauvais père désespéré mais pourtant aimant est assez remarquable de vulnérabilité autant que d'assurance), et l'interprétation générale (notamment des deux sœurs Marceau-Pailhas dont l'alchimie est criante de vérité) est de haut vol.
Si le film tient son rythme, intéresse, maintient une forme de suspens, et coche les cases du beau film sentimentaliste qui traite avec discrétion et retenue d'un sujet dur, on regrette vraiment qu'Ozon, surement trop touché personnellement par le sujet (Emmanuèle Bernheim, emportée depuis par un cancer foudroyant, était son amie), n'aille pas plus loin, semblant ne pas oser ce qu'il ose pourtant dans ses films précédents.
Un Ozon mineur donc, que l'on ne verra pas tant pour son réalisateur et sa mise en scène sommaire, précipitée, mais bien plus pour son puissant trio d'acteurs.
5,5/10