Dans un documentaire aussi riche que remarquable, la documentariste américaine Laura Poitras brosse le portrait passionnant de la photographe et activiste Nan Goldin. Brillamment construit, le documentaire alterne art, engagement politique et peinture d’une époque. Il captive son spectateur.


Nan Goldin a révolutionné l’art de la photographie et réinventé la notion du genre et les définitions de la normalité. Immense artiste, Nan Goldin est aussi une activiste infatigable, qui, depuis des années, se bat contre la famille Sackler, responsable de la crise des opiacés aux États Unis et dans le monde. Toute la beauté et le sang versé nous mène au cœur de ses combats artistiques et politiques, mus par l’amitié, l’humanisme et l’émotion.


Le titre de ce documentaire est très beau : ‘Toute la beauté et le sang versé’. Il dit tout et plus précisément à quel point l’art, les combats et la mort se sont enchevêtrés dans la carrière de la photographe. La beauté évoque bien sûr les photographies de Nan Goldin. Le sang versé évoque tant les morts qui ont jalonné sa vie (sa sœur, ses amis morts du sida ou d’une overdose) ainsi que la sueur laissée au combat.


Le documentaire est très riche et aborde nombre de sujets. Nan Goldin évoque des sujets aussi privés qu’artistiques et semble se confier sans tabous. Parfois avec une crudité qui a mis certains spectateurs lors de la séance dans l’embarras. On sent d’ailleurs une relation de confiance, d’amitié et même d’admiration réciproque entre la documentariste et l’artiste. Nan Goldin évoque sa sœur internée car homosexuelle et qui se suicidera, raconte ses combats contre les épidémies du sida et d’opiacés, n’oublie pas de mentionner ses propres problèmes d’addiction.


L’aspect politique et militant n’écrase pas le reste. Nan Goldin est avant tout une photographe et Laura Poitras laisse une place importante à l’œuvre de Goldin. Grand nombre de photos magnifiques défilant sous nos yeux tel un diaporama, comme le faisait parfois l’artiste. On voit très bien l’évolution de son œuvre, passant du noir-et-blanc à la couleur et on comprend quel est son talent. Ce qui frappe quand on voit ses photographies, c’est la capacité de Nan Goldin à sublimer la banalité du quotidien. Par ailleurs, elle a un vrai sens de la provocation quand il s’agit de montrer la marge.


Ce qui est passionnant, c’est la peinture de l’époque. En tout cas, dans son aspect underground. Ce qu’on appelle la contre-culture. On croise entre autres, la réalisatrice Bette Gordon ou Cookie Mueller, l’actrice des films de John Waters. On sent bien l’effervescence culturelle entre toutes les galeries d’art, le cinéma, les films amateurs. Tout se mariait et se mélangeait. Ainsi, Nan Goldin photographiait Gordon et Mueller. Mueller et Goldin ont joué dans les films de Gordon. Mais cette effusion culturelle a également son versant dramatique. On prend conscience avec un certain effroi du nombre de morts qui ont jalonné ces années, de la drogue au sida.


J’ai trouvé le film brillamment monté. Il n’est pas chronologique. Il est difficile d’estimer quel axe a choisi la documentariste. Mais s’il faut en choisir un, ce serait l’approche thématique. On évoque la sœur homosexuelle qui sera internée et puis on voit à l’écran son exposition « The Ballad of Sexual Dependency ». L’ensemble peut donner l’aspect d’être un peu diffus mais en réalité, il mêle avec habilité et une rigueur extrême les époques, les sujets, l’art, la vie, la mort.






Noel_Astoc
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le 17 mai 2023

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