On va y aller, mollo !


Pour faire mes premières armes, j’ai choisi de les déposer, les armes.
Pour le corps à corps on verra une autre fois, ça m’arrive aussi!


On va donc y aller tout doucement, en sifflotant, en sirotant, en sautillant… sur ce petit chemin de traverse, découvert par hasard à l’Etrange Festival, qui fleure bon l’anisette et l’amitié.


« Tranquilou » est un film qui se revendique comme « amateur », donc idéal pour une critique amateur.


Shania Wolf titre : « Mac Gyver fait un film ». Question de génération, moi j’aurais plutôt écrit : « Jojo la débrouille » (et l’embrouille), ou encore : « Bob la bricole ».
Parce que, oui, c’est bricolé, sans conteste et les « pétassages » et raccommodages ne cherchent nullement à se masquer.
Parce que, oui, il n’y a rien à en retenir, je me réfère encore à Shania Wolf.
D’ailleurs, à peine puis-je me souvenir que le sujet du film tourne telle une valse musette, autour d’une bande de petits malfrats (le terme est désuet à dessein), un peu « branques », partis se mettre à l’ombre à la campagne, au sens propre, pour éviter le figuré justement.
Les Pieds Nickelés aux champs!


Bref, un film ordinaire. Mais c’est si bon parfois l’ordinaire! Je pense à une chanson de Reggiani : « Ca fait du bien, les cons, ça repose. C’est comme les épines au milieu des roses. »
Non que le film soit tout à fait con. Ni con, ni intelligent, ce n’est pas son créneau tout simplement.


En dehors, un chemin de traverse vous dis-je!


Loin des autoroutes bétonnées cinématographiques.
Et c’est une bouffée d’air frais, on met le nez à la vitre, on respire, on renifle, on se laisse aller.
Loin des leçons magistrales de Tarantino.
Loin de l’esthétisme à la Park Chan-Wook ou Nicolas Winding Refn, pour citer les premiers qui me viennent à l’esprit.
Loin de l’intellectualisme branché ou pas, d’un Bergman ou d’un Von Trier ( plus à proprement parler dans la subversion, maintenant).
D’un Godard et de la nouvelle vague. Si c’était une vague, « Tranquilou » ce serait un gentil clapotis de la Méditerranée, version Massilia Sound Système. Calanques, petits cabanons et le pastaga du soir.


Un film simple vous dis-je!
Du fait maison, pas du Top Chef et ses recettes alambiquées qui n’ont pour seule finalité que d’être alambiquées.
Non, là, on mange, sur le pouce, sur un coin de table, un repas improvisé avec les copains ! A la bonne franquette !
Ce n’est même pas « La première gorgée de bière » Delermienne, sacralisée, non, juste une rasade de pastis.
Si j’emploie toutes ces métaphores appartenant au champ lexical de la nourriture, c’est justement pour souligner que le film, comme les nourritures terrestres, est fugace, éphémère.
Aussitôt avalé, aussitôt oublié, il ne reste pas longtemps en bouche.


Que vous dire de plus? Comment analyser plus avant quelque chose que j’ai déjà oublié ?
Comme la madeleine de Proust, je n’ai plus souvenir du goût, juste le vague sentiment d’avoir vécu un moment de plaisir régressif, me renvoyant à une adolescence rafraîchissante, pétillante, pour rester dans le domaine culinaire.


Je suis reconnaissante à «Tranquilou » de me permettre, même si j’aime aussi réfléchir de temps à autre, de faire l’apologie du simple et de l’ordinaire.
Non, plus exactement, de militer pour la réhabilitation du simple et de l’ordinaire. Je les revendique, choisissant pour porte parole Romain Gary, dans son Notre père (« Les clowns lyriques ») :
« …Permettez -nous d’accéder à la simplicité, rendez- nous superficiels….permettez-nous d’être enfin simple comme bonjour. Rendez- nous le goût du rose et du bleu, du tendre et du charmant…Libérez-nous du mal, libérez-nous des abstractions. Apprenez-nous le ruisseau dans l’herbe, le brin d’herbe entre les dents et la touffe d’herbe sous la nuque…Sauvez-nous des élites, du hara-kiri de l’introspection. Epargnez au cœur des grandes symphonies, le petit son de la flûte. Sauvez-nous du Wagner, du sué, du saigné, du bâti, de l’arraché, donnez-nous le goût de la fragilité… » et de l’imperfection, ajouterais-je.


Voilà ce qui me reste de ce film, le goût de l’apéro sur la toile cirée de la table de camping, le parfum de l’herbe fraîchement coupée, et un bouffée d’amitié potache
Je comprendrais qu’on puisse ne pas être du tout être touché par ce moment de « petite grâce », cette « Parenthèse inattendue » pour reprendre le titre d’une émission « campagnarde ». Comme, vu de l’extérieur, on peut juger débile l’humour lourdingue d’une bandes de potes en train de délirer, alors que ceux là même qui participent au délire, savourent un plaisir simple et incommunicable. On peut entrer ou on reste à la porte. J’ai passé le seuil.


Et pour finir par une note bien ringarde, comme le film, on va dire que « Tranquilou » comme dans la chanson de Julien Lepers, c’est juste « Pour le plaisir » Et oui, on n’est pas ringard qu’à moitié!


PS : Le comble, c’est que l’on pourrait qualifier ce « petit » film, qui ne se prend pas au sérieux de film d’auteur. Je ne parle pas de la caricature qu’il est parfois devenu (je vous renvoie à ce que Noël Burch définit comme les dix tares du cinéma d’auteur contemporain), mais de ce qu’était et devrait rester le cinéma d’auteur : « la caméra-stylo », hors des poncifs et tics trop souvent inhérents au genre.
Seulement une œuvre très personnelle, originale, avec un univers qui n’appartient qu’à soi et à visée non commerciale, ce qui n’implique pas forcément de faire dans l’hermétisme forcé!
Oui, décidément Gérald Touillon se balade dans un monde bien à lui, un peu barré , et nous transmet une vision particulière du cinéma, façon kamikaze. Mais à ce sujet, je laisse la parole à Benoît Delépine, qui avait sélectionné « Tranquilou » pour sa carte blanche de l’Etrange, cuvée (mot que ne renierait certainement pas Touillon) 2015 :
« Le cinéma que j’aime, c’est aussi ça : l’aventure de faire un film, comme on ferait un casse si on avait des couilles ». Il faut préciser, pour la petite histoire, que « Tranquilou » a été fait au débotté, juste pour l’occasion.
Quand je vous parlais, d’un repas pris sur un coin de table!

Catherine_Gleiz
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le 15 juin 2016

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