Don Lope est un grand bourgeois tolédan d'âge mur, oisif, libéral, anticlérical et don juan. Orpheline, Tristana est recueilli par cet aristocrate vieillissant de Tolède, qui devient son tuteur, puis son amant. Mais bientôt, elle l'abandonne et part vivre avec un peintre, Horacio. Quelques années après, la jeune femme revient malade d'une tumeur à la jambe...
Tristana est un film franco-italo-espagnol réalisé par Luis Buñuel, sorti en 1970.
Le film est librement adapté du roman éponyme de l'auteur espagnol Benito Pérez Galdós, publié en 1892.
Portraits croisés d'une jeune fille innocente et d'un vieil homme satyriasique
Tristana narre l'histoire croisée d'une pupille de 19 ans, Tristana (Catherine Deneuve) et de son oncle Don Lope (Fernando Rey), un vieil aristocrate désargenté satyriasique, amateur de duel. Tellement imbu de sa puissance, il met Tristana dans son lit, trop dépendante matériellement de Don Lope pour refuser. La jeune fille réalise rapidement qu'elle n'a rien à faire avec ce "vieux beau", au crépuscule de sa vie. J'insiste, Catherine Deneuve est vraiment l'atout du film. D'une beauté magnétique alors qu'elle était encore très jeune, elle irradie complètement l'écran, tant lors de sa "période innocente" que lorsqu'elle tombe malade.
La vengeance est un plat qui se mange froid...
La jeune femme rencontre un jeune peintre Horacio (Franco Nero) qui la séduit. Luis Bunuel "se paie" au passage 3 membres de la bonne société espagnole (un trio de bourgeois) qui s'offusque 2 voir Horacio et Tristana s'embrasser dans la rue....Il l'emmène avec lui loin de Tolède.
Malade d'une tumeur à la jambe, elle revient 2 ans plus tard avec Horacio qu'elle a refusé d'épouser bien qu'elle soit amoureuse de lui, toujours malgré elle sous l'influence des idées libertines de son tuteur. Victime d'un empoisonnement du sang, la jeune femme est amputée d'une jambe au niveau du genou.
Miroir inversé
Tristana n'est plus la même après cette épreuve. Elle laisse partir Horacio qui doit exposer dans une galerie loin de Tolède. Alors que son oncle veille sur elle enfin sans arrière pensée (Le temps a fait son oeuvre), elle le traite avec de plus en plus de dureté. Catherine Deneuve fait merveille dans sa nouvelle peau de jeune femme, frappée par le malheur, claudiquant avec ses béquilles et refusant obstinément de porter la prothèse confectionnée pour elle. Pour autant, elle dégage toujours, en dépit de son handicap, un magnétisme sexuel troublant. La scène où elle congédie le fils muet de la bonne qui a fait irruption dans sa chambre à coucher pour apparaitre ensuite au balcon, ouvrant son peignoir sur son corps dénudé avec le **visage de la tentation faite femme* devant l'adolescent en contrebas est mémorable.
La jeune fille innocente est devenue une jeune femme aigrie et pleine de duplicité qui ne pardonne pas. Hier victime, aujourd'hui bourreau: le miroir s'est inversé.
Comme dans** Belle de Jour **tourné 3 ans plus tôt, Tristana a cessé de subir pour reprendre le contrôle de sa vie.
Sa cible obsessionnelle demeure Don Lope qu'elle accepte finalement d'épouser pour sa fortune acquise après le décès de sa soeur ainée. Après le mariage, elle continue à faire chambre à part et à le traiter avec une cruauté constante.
Une nuit, Don Lope est pris d'un malaise, il appelle Tristana qui se précipite dans sa chambre. L'occasion étant trop belle de se débarasser définitivement du vieil homme, elle feint d'appeler le médecin, ouvre grand les fenêtres de la chambre de Don Lope alors que la neige tombe et le regarde mourir.
Tristana est une histoire amère et cruelle qui démontre qu'une fois semés, les germes de la rancune causés par un traumatisme peuvent prospèrer durant toute une vie. L'histoire est encore une fois mise en scène avec talent par le réalisateur espagnol. A titre personnel, Tristana fut surtout pour moi l'occasion de re-découvrir Catherine Deneuve dans un rôle complexe (Souffrant d'une allergie chronique aux comédies musicales de Jacques Demy, je ne pouvais l'admirer que dans un film de Bunuel ^^), au fait de sa beauté et de son talent.
Ma note:8/10