Un peu dans l'esprit de "El", Bunuel étudie ici le cas d'un homme vieillissant livré aux affres de la jalousie et au mépris que lui voue sa trop jeune maitresse. Homme d'honneur et libre penseur, le respectable Don Lope n'en a pas moins cru pouvoir faire de sa pupille sa maitresse. Mais pour un homme de son âge, c'est s'exposer bien vite à l'ennui et au dégoût qu'il inspire à la belle Tristana.
Les intentions de Bunuel sont parfois obscures mais ce film qui nous semble une fable n'est-il pas le drame, ou un drame, de la vieillesse: l'instinct sexuel qui tarde à décliner et dont Bunuel lui-même avouait que le dépérissement lui apporterait la sérénité?
Toujours est-il que la verdeur de Don Lope s'accompagne jusqu'à la mort d'une possessivité pathétique et comme renforcée toujours par le mépris et les sarcasmes de son ancienne pupille. Face à Fernando Rey, excellent dans la dualité, à la fois digne et pitoyable, Catherine Deneuve incarne Tristana, dont la modification des attitudes (de l'innocence au ressentiment, à la cruauté) et la transformation physique semblent symboliser l'amour flétri, la jeunesse et la beauté sacrifiées au désir illégitime d'un mari trop vieux.
Les teintes automnales du film et la mise en scène imagée participent de l'élégance et de l'impression irréaliste que produit ce film qui invoque simultanément la psychologie et la morale.