Porté par une distribution éblouissante, le film d’Emmanuel Mouret rappelle que le cinéaste est le meilleur pour disséquer le sentiment amoureux en France et ses fluctuations.
Joan n'est plus amoureuse de Victor et souffre de se sentir malhonnête avec lui. Alice, sa meilleure amie, la rassure : elle-même n’éprouve aucune passion pour Eric et pourtant leur couple se porte à merveille ! Elle ignore qu’il a une liaison avec Rebecca, leur amie commune... Quand Joan décide finalement de quitter Victor, la vie des trois amies et leurs histoires s’en trouvent bouleversées.
Un film qui utilise comme bande-son la barcarole de Charles-Valentin Alkan peut-il être mauvais ? Probablement pas. En tout cas, cette courte mélodie est à l’image du film. Simple mais expressive. Aux tonalités parfois tragiques, parfois plus joyeuses. Cette mélopée revient d’ailleurs régulièrement souligner les élans du cœur qui animent les personnages.
Emmanuel Mouret relate, avec une constance certaine, l’inconstance des sentiments et leur grande variabilité. Il y a Joan qui ne conçoit l’amour qu’avec passion. Au contraire, Alice considère que l’amour peut se confondre avec l’affection. Et puis, il y a Rebecca pour qui ne croit qu’en l’amour enflammé. En un peu moins de deux heures, le cinéaste filmera le désenchantement et leur évolution sentimentale.
Les quatre derniers films de Mouret témoignent d’une évolution et d’un gain de maturité dans son cinéma. Réalisateur à ses débuts de films charmants, légers (L’art d’aimer, joli film à sketch), Mouret a perdu en fraîcheur ce qu’il a gagné en maîtrise et en profondeur. Ce qui est resté en revanche, c’est la légèreté. En témoigne cette voix-off qui ouvre le film, qui revient de temps à autres et qui apporte un peu de distance par rapport à ce qu’on voit. Comme pour nous rappeler que tout ce qui relève des sentiments n’est au fond pas si grave. Les trois amies du titre sont enseignantes et ça n’est pas un hasard. Trois amies est avant tout le récit d’apprentissage du sentiment amoureux par nos trois protagonistes.
Ce qui m’a beaucoup séduit, c’est l’élégance du film dans son ensemble. De la délicatesse des dialogues et des interprétations à la photographie lumineuse du film en passant par l’atmosphère très cultivée du film. On visite des musées, on va voir des films de Buster Keaton au cinéma ou on discute peinture. J’y ai retrouvé la finesse, l’élégance des meilleurs films de Woody Allen et de Pascal Thomas dans cette érudition. Et ça fait du bien.
Dans un même registre d’idée, la bande-son du film est une pure merveille. Alkan, comme déjà écrit. Mais aussi la Fantaisie brillante de Carmen et quelques mélodies au piano accompagnent délicatement les errances sentimentales et amoureuses des personnages.
Ce qui a fini de m’achever et m’a comblé de bonheur, c’est la distribution impeccable qu’a réunie Mouret. Camille Cottin est excellente dans une interprétation très délicate. Grégoire Ludig est très bon et assez étonnant de profondeur. Sara Forestier, qu’on n’avait plus vue depuis plusieurs années, est absolument craquante et a des dons comiques si évidents qu’on s’étonne de ne pas l’avoir jamais vue dans une comédie. Et puis, il y a India Hair, la respiration du film, tant l’actrice irradie le film, à moins que ce ne soit le film qui l’illumine. Actrice géniale, jusque-là dans des seconds rôles, elle est enfin en tête d’affiche et peut déployer ses vastes talents de comédienne. Et notamment, une diction vraiment étonnante comme si elle balbutiait chaque mot.
Trois amies m’a offert une vraie respiration. Entre la légèreté des dialogues et la profondeur des émotions, j’ai trouvé dans ce film un souffle rafraîchissant, un moment suspendu où l'on prend le temps d’observer les battements irréguliers du cœur humain. Un film élégant et sincère, qui laisse derrière lui une douce mélancolie et l’envie d’y retourner.