Péril en la demeure
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le 10 avr. 2020
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J'ai choisi de nommer cette critique "en l'absence d'une scène” car sans une scène en particulier dans le film, mon avis aurait été totalement différent.
Il s'agit de la scène ou Mada dévoile son douloureux passé
J’ai trouvé que c’était tout d’abord très émouvant mais que surtout c’était la scène qui permettait de dévoiler toute l’intrigue, une fois cette scène visionnée on se fait dans notre tête toute une rétrospective du film et c’est la qu’on comprends l’intérêt scénaristique du récit. Je comprendrai que certaines personnes soient complètement de marbre face à cette scène ayant été désintéressée par le reste du film. Malgré la lenteur du film j'ai été subjugué par la beauté verdâtre du Brésil ainsi que les différentes images du film notamment la scène des fleurs blanches jetées à la mer. Scène magnifique autant d'un point de vue figural que d'un point de vue du figuré. La mise en scène se veut plutôt réaliste et elle est de manière générale plutôt soignée malgré par moment des transitions que je trouve particulièrement inappropriées, j'aurais préféré quelque chose de moins visible. Une scène comme celle ou le grand père chute aurait pu être beaucoup plus marquante en terme de tension mais la transition intervient de manière un peu trop abrupte venant ternir la tension installée avec brio auparavant par la disparition de la lumière festive.
Pour ma part le défaut du film devient d’une certaine manière sa qualité majeure. En effet le film est très lent et sans cette scène on a l’impression qu’il se passe selon un critère narratif pas grand chose. On perçoit très rapidement la thématique social à travers le prisme de la maison de riche et de la majordome pauvre qui y travaille. C’est un motif qu’on retrouve souvent, surtout depuis quelques années et qui est utilisé pour mettre en avant les inégalités sociales entre pauvres et riches (on peut faire le parallèle avec Roma et Parasite). Un discours supplémentaire vient s'implanter dans le film, celui de la corruption, de la criminalité, en effet on découvre par l'intermédiaire d'une visite touristique gérée par Mada que les maisons des riches sont pour la plupart inhabitées. La plupart des riches étant en prison ou ayant des soucis judiciaires, ce qui vient faire écho à la situation du pays ou même directement à la situation de Mada.
Dès le départ, Mada se prend des réflexions de la part de la famille de riche pour laquelle elle travaille, par exemple “tu vois cet objet ? Et bien, même en travaillant toute ta vie tu ne pourras jamais te l’acheter” et elle se prendra plusieurs autres réflexions à ce propos dans le reste du film. Le début met plutôt en avant cet aspect-là avec notamment le stress de Mada de ne pas recevoir l’argent qu’elle demande afin de pouvoir s'acheter une propriété. Mais pour moi ce qui est intéressant dans le film n'est pas ce que l’on voit mais ce que l'on ne voit pas; autrement dit : l’ineffable, le non dit. Avant cette fameuse scène, on fait face à un brouillard scénaristique, on comprend totalement les thématiques sociales, les relations entre les personnages mais pas trop ou est censé nous amener l’intrigue. Puis à la fin du film, la symbolique des Trois étés qui était jusque-là soumise à une forte opacité s'éclaircit aux yeux du spectateur.
Mada se délivre face à une caméra, le processus de création diégétique dans cette scène permet de lever le voile sur une vérité enfouie bien cachée par le sourire de Mada et son caractère joyeux durant l’intégralité du film. Le regard de la caméra n’est alors pas celui du réalisateur dans la diégèse mais celui de la réalisatrice de Trois étés qui enracine le propos social par l'intermédiaire des larmes de Mada ou encore le regard attristé du grand père.
Ainsi en l'absence d'une scène, je me demande qu'elle aurait été mon avis sur Trois étés, elle intervient comme un paradoxe scénaristique modifiant globalement la perspective émotionnelle ressentie pour ma part face au film. (6,5/10)
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Créée
le 22 avr. 2020
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