Analyse sous un angle socio-culturel (Male Gaze, figure de l’absurde et du pathétique, réception...)

S’il est difficile de trouver des sources statistiques fiables sur le taux d’adultère en France variant drastiquement d’un sondage à l’autre. L’infidélité est un sujet qui apparaît dans le contexte de notre société qui est hypersexualisée (sexualité est omniprésente dans le monde : médias, télévisions,internet…) et qui effraie beaucoup de couples. On est aussi dans un contexte où le mariage est souvent fragilisé et d’après les chiffres de l’INSEE le nombre de divorces a beaucoup augmenté depuis les années 70 (malgré une baisse depuis quelques années).


Le film est relativement complexe concernant l’approche socio-culturelle, on verra donc que le film à de multiples niveaux de lectures. Nous allons ici analyser le film dans une approche socio-culturelle basée sur les oppositions de genre et la sexualisation. Premièrement nous verrons que l’oeuvre s’inscrit dans une thématique du regard masculin (male gaze). Deuxièmement nous verrons que le film cherche à rendre l’homme infidèle comme absurde et pathétique. Puis pour finir nous ferons une analyse de la réception de l’oeuvre et nous montrerons que des éléments parafilmiques peuvent influencer l’avis du spectateur.


Premièrement nous allons nous concentrer sur la thématique du regard masculin dans le film envers les femmes. Dans ce sketch, le personnage de Jean Dujardin est mis en valeur par rapport à son milieu social (voiture de sport, costume, lunette de soleil....) donnant un côté masculin et viril stéréotypé.


L’approche du personnage est décrédibilisée quand sa voiture cale, exactement au moment ou une femme passe devant la voiture, le regard de Fred n’est alors plus concentré sur la route mais sur cette femme. Le personnage est aussitôt décrédibilisé et perd le côté typé, glamour de l’homme riche dans une voiture de sport (il perd en virilité).


Indépendamment de la volonté du film, cette scène met en avant la vision suivante de notre société, l’homme n’est pas responsable, c’est la beauté incantatrice et tentatrice de la femme qui met en péril sa fidélité et qui le rend instable. Alors que la femme passe innocemment devant lui sans même prêter attention, Fred interprété par Jean Dujardin ne peut rien faire d’autre que la suivre du regard. Cette faiblesse du regard masculin décrit une pulsion animale et aliénante qui rend le personnage totalement ridicule. Il perd alors tout l'attrait séducteur qu’il avait dans les premières secondes du sketch. La beauté de la femme est hypnotisante et fait perdre à Fred sa virilité, étant déstabilisé face à la situation. La femme est alors perçue comme objet du regard masculin malgré elle et sa passivité.


A l’image de l’affiche du film dont nous reviendrons plus tard dans l’analyse de la réception du film, la femme se présente dans un premier temps comme objet de consommation et de tentation. La femme est sans visage et donc sans regard, par contre elle est l'objet du regard masculin.


Une autre scène de ce sketch travaille le regard masculin et peut faire écho au texte “Ne regardez pas maintenant” de Richard Dyer (*1). En effet, Jean Dujardin et Gilles Lellouche observent des femmes qui ne font pas forcément attention à eux. La scène contrairement à ce que détail Dyer dans son texte est furtive et présente une différence, les femmes ne prêtent ici en réalité pas attention au regard masculin. Il n'y a pas d’échange de regard, seulement le regard masculin centré sur la femme mais à travers les différents dialogues on peut émettre un lien in fine.


Étant donné qu’elles rigolent et parlent bruyamment avec un autre homme, ils considèrent qu’elles agissent comme cela par volonté tentatrice et incantatrice. Cette observation permet de mettre en relation avec la vision socio-culturelle suivante, selon laquelle : une femme ne doit pas regarder un homme de la même manière qu’il la regarde. Suivant ce constat, si elles ne regardent pas directement Fred et Greg cela ne veut pas dire qu’elles les ignorent mais qu’elles cherchent à se faire remarquer pour attirer la présence masculine, envoûter les hommes autours (d'où la métaphore des sirènes effectuée par Fred). L’homme étant le sujet actif et la femme le sujet passif, elle doit donc se contenter de faire des appels de phare, pour ainsi permettre à l’homme d’agir. Cette doctrine de la passivité entraîne ici les deux personnages masculins à interpréter les différents agissements des deux femmes. Mis à part la femme de Gilles, toutes les autres femmes du sketch ne semblent pas avoir de libre arbitre mais dépendent directement de la volonté, du désir des deux protagonistes. Même si on à affaire à un plan très furtif et qu’on ne s’attarde pas sur cette scène, il est possible dès lors d’analyser la psychologie des deux personnages en fonction du regard socio-culturel de notre société. Le film décrédibilise cependant les deux personnages masculins, donc nous sommes en droit de penser que la volonté du film est alors d’interroger la vision stéréotypée des hommes envers les femmes et plus généralement en ce qui concerne l’infidélité. Cependant mis à part dans le sketch avec Alexandra Damy ou l’infidélité au sein d’un couple est interrogée, il n'y a aucun sketch qui aborde le point de vue d’un groupe féminin sur l’infidélité. Intervenant dans un seul sketch celui-ci se présente alors comme une sorte d’anomalie. Qui dans la diégèse n’étant pas prévu vient jusqu’à surprendre le personnage de Jean Dujardin l’apprenant alors qu’il venait lui-même d’avouer son infidélité.


Ensuite nous pouvons aussi analyser la scène de coucherie de Fred et Greg avec une fille chacun dans la même pièce. On peut voir à la fin de la scène que les deux femmes se donnent à fond dans l’acte alors que les deux hommes côte à côte sont très concentrés dans leur discussion. Malgré une position sexuelle où la femme domine l’homme en étant sur lui, la mise en scène décide de montrer une supériorité masculine par l’utilisation du plan zénithal qui vient inverser les places de domination.


L’action féminine dans l’objectif de donner du plaisir semble ici disjoint de leur propre plaisir (action automatique, machinale, robotique) elles apparaissent comme inanimées. Nous ne les considérons pas dans cette scène comme à proprement parler des êtres, on les perçoit uniquement dans l’optique du plaisir masculin. Au vu du traitement des deux personnages féminins se trouvant dans une position inorganique, nous avons là, une monstration de la supériorité masculine. Le regard masculin s’émancipe de celui de la femme à plusieurs reprises dans cette séquence. En effet, Gilles Lellouche alors qu’il est en plein ébat se trouve dans une position sexuelle passive et face au regard féminin.


Cependant il l’a regarde sans réellement la regarder. L’individualité féminine est transgressée dès lors qu’il imagine que la fille avec qui il couche est sa femme et en le disant à voix haute : le désir féminin devient alors presque fantomatique. Elle réagit face à ce qu’il dit, elle s’interrompt quelques secondes puis repart comme si ne rien était. Lellouche est dans une position passive mais hégémonique, il domine et dirige l’aspect fantasmatique du rapport transformant le plaisir selon son propre désir. Le sujet féminin est soumis à sa propre volonté, qui est donc de faire renaître le désir qu’il a pour sa femme (elle devient alors ici une personnification du désir masculin opérant à une réification diégétique). L’individualité féminine ici se place dans une volonté d'effacement au profit d’un traitement scénaristique visant à parler uniquement de l’infidélité dans la sphère masculine. Ainsi les deux femmes présentent dans cette scène ne semble pas avoir de culpabilité à coucher avec des hommes mariés (on ne montre pas leur point de vue). Ce qui est mit en avant par la réflexion de Greg “on leur dit qu’on est marié, on leur montre des photos de nos gosses, tu crois que ça les gênerait ?”. Les deux personnages jugent de la moralité de ce qu’effectuent les deux femmes sans se considérer comme eux mêmes fautifs. Le film adopte une posture critique de ses deux hommes qui esquivent leur part de responsabilité. Comme on peut le voir dans le reste du sketch, les deux personnages cherchent toutes les excuses possibles concernant leur infidélité pour se dédouaner (nature animale de l’homme, crise économique,etc…). Fred et Greg finissent dans une position passive côte à côte, mettant en avant leur homosexualité refoulée qui sera dévoilée dans la suite du sketch, à la toute fin.


Le regard masculin est de manière générale dans le cinéma, hétéronormé, c’est à dire que le regard d’un homme à un homme n’évoque jamais le désir. La représentation du regard dans le premier et dernier sketch du film (Le prologue et Las Vegas) traitent le motif du regard hétéro à contre-courant. En effet, alors en plein ébats séxuels les deux hommes n’hésitent pas à se regarder dans les yeux établissant une certaine réciprocité non représentée dans les relations amicales masculines au cinéma. Cependant comme nous allons le voir, la relation homosexuelle entre les deux personnages n’est en réalité construite que pour faire rire le spectateur (forme de gag étant donné la fin du film).


Nous pourrions alors parler du concept d’homosociabilité établie par Eve Kosofsky Sedgwick (*2) par rapport au premier et dernier sketch. L'homosocialité décrit les relations fréquentes et régulières entre membres du même sexe qui ne sont pas d’une nature romantique ou sexuelle comme par exemple l'amitié. Au cinéma l’amitié comme l’explique Adrienne Boutang (*3), a souvent été représentée avec des codes sociaux-culturels particuliers et généralement hétéronormés. Ainsi les relations amicales entre hommes et femmes ont étés codifiées au cinéma, d’un côté les hommes ne dépassant jamais le stade de l’homosociabilité et de l’autre côté les femmes dont la tension à tendre vers l’homosexualité se fait souvent ressentir (doute installé, on se dit qu'elles pourraient).
Cela exprime une opposition archétypale entre les hommes et les femmes et la tendance homophobe des buddy movies (film de potes) sur l’amitié masculine. Car en effet, les relations amicales masculines sont centrées autours de plusieurs tabous, celui du contact physique et de la confidence qu’il faut à tout prix éviter. Sauf comme l'explique Adrienne Boutang dans les cas extrêmes, comme une scène de Butch Cassidy et le kid. Quand ils sont suspendus au dessus d’une falaise et poursuivie par des ennemis et qui fait place à la révélation d’un des deux personnages qui ne peut pas sauter car il ne sait pas nager. Scène qui montre que pour qu'un homme avoue une faiblesse ou quelque chose d’intime il faut le placer en danger face à un saut à faire ou face à une horde d'ennemis.
Dans ces films-là, la femme va alors avoir plusieurs rôles, premièrement elle est le motif de désunion dans l’amitié masculine quand elle est convoitée par les différents amis (Nous nous sommes tant aimés, The Walking Dead…). Et deuxièmement elle va unir l’amitié masculine dans une dynamique propice au Male Gaze, accentuant la volonté de séduction avec des personnages parlant de la femme comme d'un objet sexuel.
C’est ce qui est le cas dans Les Infidèles et plus particulièrement le premier et le dernier sketch.
Selon Sedgwick, dans les sociétés hétéro normatives modernes, le désir homosocial masculin se caractérise par l’interdiction de l’homosexualité et donc, l’homophobie. La relation normative de deux hommes doit donc être structurée sur un désir triangulé par une femme puisqu'on considère l’hétérosexualité comme la norme. Cette vision des choses provient d'un sentiment de panique face à l’arrivée émergente d’un groupe minoritaire d’homosexuels éprouvant chez la population général un sentiment d’insécurité (par rapport à leur propre masculinité). Ainsi selon Sedgwick, depuis le 18ème siècle, en Angleterre et aux États-Unis nous avons structuré le continuum des relations “homosociaux” afin d’éviter une perte de la masculinité. Etant donné l’impact de l’Amérique dans le monde et plus particulièrement l’hégémonie du soft power américain (le cinéma américain domine l'industrie). Le monde fait face à un impérialisme culturel reléguant des croyances propres au patriarcat. Les Infidèles ne dérogent pas à la règle et la fin met en évidence étant donné le traitement humoristique, une certaine peur de l’homosexualité. De plus cet aspect la se retrouve dans la persona de Jean Dujardin, dans OSS 177 plusieurs blagues ont lieux quand il se retrouve après avoir été drogué à avoir une relation homosexuelle (on insiste aussi sur son homosexualité potentiellement refoulée).


Les deux personnages structurent leur amitié autour d’un thème celui de l’infidélité, leur relation est triangulé autours des femmes (regard exclusif aux femmes). Les deux en viennent jusqu’à échanger des rapports intimes côte à côte et ils parlent à outrance du sexe féminin et c’est donc dans ce sens qu’on peut parler de homosociabilité. La relation entre les deux est subordonnée par une peur de l’homosexualité (dans le premier sketch, Greg dit trouver absurde la théorie de l’homme infidèle comme étant homosexuel) qui les pousse à n’avoir qu’une relation intelligible. On a affaire à une thématique du regard comme étant purement sociale et donc absente de tout désir. L'homme n’est pas représenté comme possiblement attirant sous le regard d’un autre homme, et selon Sedgwick ce système culturel est créé par notre société hétéronormé. Étant donné que la dernière séquence a été créé dans l’optique de faire rire ça désamorce toute tentative de questionner la position hégémonique de l’hétérosexualité ainsi que sa représentation cinématographique. En effet, encore aujourd’hui peu de films traite de l’homosexualité au cinéma, le film le fait mais uniquement dans le but de faire rire le spectateur.
La fonction de la femme dans ce sketch est relayée au second rang. Qu’elles soient représentées comme la femme trompée où la femme pénétrée, dans les deux cas elles sont caractérisées comme étant l’objet sexuel de l’homme. Toutefois, le twist final qui consiste à montrer, à dévoiler leur homosexualité apporte une couche de lecture supplémentaire sur ce que nous avons vu. Depuis toujours et sans le savoir, ils n’étaient pas intéressés par les femmes. Leur traitement peut donc être relié à ce sentiment enfoui, refoulé dépeint par leur point de vue. Le male gaze serait alors qu’une façade pour les deux personnages. Toutefois, le twist intervient comme un gag et le film n’échappe donc aucunement aux clichés homosociaux dans sa manière de parler de l’homosexualité. En effet étant donné l’aspect humoristique et absurde recherché à la fin, le film même si ce n’est pas sa volonté est homophobe selon la conception de l'homosocialité établie par Sedgwick. Ainsi le regard masculin est totalement hétéronormé et marque une domination vis-à vis de la femme. Cependant comme nous l’avons vus au tout début avec le personnage de Fred, le film cherche à décrédibiliser les hommes infidèles (homosexualité refoulée, perte de virilité) les propulsants dans une figure de l’absurde et du pathétique.


Deuxièmement nous allons voir que le film cherche à rendre absurde et pathétique l’homme infidèle. Pour cela nous allons revenir sur l’intérêt du film à sketch qui dans sa démarche cherche à provoquer du dédain pour l’infidélité de manière générale, mais aussi nous allons le voir, de la compassion (pathétique). Dans les films à sketch, il y a les sketchs qui ne partagent qu’un thème général mais dont les histoires n’ont pas d’autres liens entre elles et il y a ceux qui créent une histoire en étant regroupés. Les infidèles qui paraissaient présenter des histoires incompatibles au vu des multiples rôles de Jean Dujardin et Gilles Lellouche nous surprend en créant vers la fin un segment regroupant plusieurs hommes infidèles présentés dans le film par l’intermédiaire de sketchs très courts. Ces hommes sont présents à un groupe d’aide aux hommes infidèles dirigé d’une main de fer par une femme, interprétée par Sandrine Kiberlain. Ce segment présente deux camps : les infidèles regroupant une dizaine d’hommes et celle qui tente de les recadrer étant la seule femme. Nous avons donc un déséquilibre numérique mettant en valeur ce que représente chaque genre. L’homme trompe et la femme recadre, seulement les hommes qui sont montrés dans cette situation humiliantes font face à une femme présentée comme castratrice. Cette volonté de placer les hommes infidèles dans une situation humiliante témoigne d’un des traitements du film plaçant les différents personnages dans le registre du pathétique. Nous parlerons de la notion de pathétique dans le sens où malgré les agissements néfastes des personnages voulant tromper leurs femmes, nous ressentons de la pitié et de la compassion pour la plupart d’entre eux.


Dans le sketch “La bonne conscience” réalisé par Michel Hazanavicius on peut aussi voir que la thématique du regard de l’homme envers la femme transparaît. En effet, dans la première scène une femme qui ne faisait simplement que de se gratter le pied est érotisée par le vecteur du regard de Laurent. Il la regarde fixement agir dans un acte qui est innocent mais qui est inductivement érotisé par notre société. Nous allons nous servir de l’analyse de Laura Mulvey dans le texte “Plaisir visuel et cinéma narratif” (*4), qui montre que la femme se présente comme image et l’homme comme vecteur du regard. L’homme tel qu’il est représenté au cinéma est dans la position d’actif, c’est lui qui dirige le regard vers la femme et pas l’inverse (avec un regard, la femme est exposée et sexualisée). Le héros masculin actif est conçu pour que le spectateur puisse s'identifier au personnage et que l’érotisation soit rendue naturelle. Mais la scène observée ici offre un regard différent, on rend ironique le regard masculin qui érotise automatiquement la femme en choisissant un personnage avec un physique rendu peu avantageux (représenté par son monosourcil).


Le spectateur ne s’identifie pas au personnage comme il pourrait le faire avec Bogart par exemple (figure de la masculinité au cinéma et de l’égo idéal), l’égo formant le processus d'identification est ici déjoué. Cependant nous nous sentons responsables comme le personnage d’avoir fantasmé la femme comme objet érotique étant donné que nous avons nous aussi était placé dans une position voyeuriste. Dans ce sens une forme d’identification au personnage se crée et c’est ce qui dans le reste du sketch va faire que nous aurons pitié du personnage de Laurent. Ainsi cette scène dénonce le regard masculin, le rend ridicule. Si le personnage avait été présenté comme étant beau/viril on aurait eu une toute autre représentation, le regard aurait été perçu dans une optique de séduction et non de voyeurisme. Ce qui donne aussi à réfléchir sur les notions normatives de beauté que nous avons et comment ça influence la personnalité des personnages dans les films. La séduction ici échoue, le regard devient donc voyeuriste s’effectuant contre la volonté de la femme.
Le personnage de Laurent agit de manière incongru et horrible par rapport à sa femme en voulant l’a tromper. Mais cependant on ressent de la pitié pour lui aussi de part l’atmosphère scabreuse et la gêne qui découle des différentes scènes du sketch. L’homme qui n’arrive pas à séduire, victime d’une détresse sexuelle est un homme non viril, subissant passivement les moqueries des autres comme on peut le voir à plusieurs moments. On peut opposer le personnage de Laurent avec le personnage interprété par Gilles Lellouche lui bien viril malgré son handicap physique. Laurent incarne une non virilité à cause de son manque de sociabilité et de son incapacité à séduire. Et au contraire le personnage de Gilles Lellouche est montré comme viril car arrivant à coucher avec une femme et étant sociable (il réussit ses blagues et attire l’attention contrairement à laurent). Séduction envers les femmes et virilité sont donc deux notions qui se rejoignent dans le récit.


A la fin, le personnage semble être heureux d’être resté fidèle (il écoute la musique “Je suis resté fidèle” de Enrico Macias) comme si c’était une victoire alors que nous spectateurs, savons que c’est une défaite par rapport à son objectif d’infidélité. La fin est donc totalement pathétique et ironique quand à l’infidélité vue comme une épreuve à affronter. La tentation et le désir mettant à l’épreuve le couple amoureux sont aujourd’hui très représentés au cinéma (plus particulièrement dans le cinéma français) aussi bien pour la femme que pour l’homme. Dans une autre scène, Laurent observe discrètement la poitrine de Christine, une femme rendue par le sketch dans sa manière d’être, de parler ainsi que son physique peu attirante.


Si cette scène peut paraître anecdotique au niveau de sa mise en scène, en analysant d’un point de vue narratif la présence de cette scène on comprend qu’elle est en réalité vecteur de sens. Laurent en regardant la poitrine trouve un prétexte pour expliquer son regard fuyant en disant que le collier que porte Christine représente un gland (le fruit). L’ambivalence de ce mot présentant une dimension phallique, montre la véritable volonté appuyée par le regard de Laurent, il observe non pas le collier mais la poitrine de Christine. Cette scène qui ne dure que quelques secondes sera la conséquence de la suite des événements et nous pouvons directement le deviner grâce à ce connoté sexuel. Ainsi plus tard dans le sketch après avoir essuyé plusieurs échecs et n’arrivant pas à combler son plaisir en se masturbant, il décide de tenter sa chance avec Christine. La scène ou il observe la poitrine de Christine apparaît alors comme vecteur de sens. Scène très furtive mais qui montre la puissance dévastatrice de la pulsion scopique entraînant le personnage dans une situation pathétique. Lui-même à la fin de la scène se sent ridicule, il apparaît comme dépossédé par le désir provoqué par la scopophilie (car c’est l’unique scène expliquant l’attrait de Laurent pour Christine). Une fois encore ici le personnage de Christine n’a aucunement cherché à créer du désir mais la détresse sexuelle de Laurent le pousse à voir en chaque femme un attrait sexuel, un objet de satisfaction en soi. Le sketch décompose ainsi le désir par le regard d’un homme dans le cadre de l’infidélité et le rend pathétique. Etant donné que le film alterne entre différents degrés de lecture il est pas toujours évident de savoir dans quelle position les auteurs se placent. Le film marque une ambivalence, d’un côté il y a la représentation du regard masculin hétéronormé sur la femme perçue comme un objet sexuel. Mais d’un autre côté le film traite les personnages de manière à les rendre absurdes et par la même occasion pathétique. Nous allons voir que le film de par sa complexité a reçu une mauvaise réception du public et nous montrerons les raisons à travers une étude parafilmique.


Pour finir nous allons maintenant faire une analyse de la réception de l’oeuvre.


Le sketch “La question” réalisé par Emmanuelle Bercot a comme acteurs principaux Jean Dujardin et Alexandra Lamy en couple au moment du film et qui se sont tout les deux rencontrés sur le tournage de “Un Gars Une fille” (alors qu’ils étaient tous deux en couple et avaient déjà des enfants). Ils ont d’ailleurs divorcés quelques mois après la sortie du film ce qui donne l’impression aux spectateurs d’y voir un côté méta. Ce sketch fait donc d’une certaine manière écho à leur vie de couple ainsi qu’à Un Gars et une fille, une série qui abordait les différentes scènes de ménage d’un couple ayant la trentaine. Quand la séparation entre les deux célébrités commencent à apparaître dans les médias, les critiques fusent à l’encontre de Dujardin, beaucoup de gens pensent que Dujardin a été infidèle à cause de l’image qu’ils ont eu de lui dans le film. Avec la sortie du film et d’un autre côté sa nomination aux oscars, une grande peur s’installe face à la polémique autours du film et la possibilité qu'elle a d'entacher sa réputation (ce qui peut l'empêcher de remporter l'oscar). Il réagit dans plusieurs interviews en disant que leur objectif n’était pas de faire l’apologie de l’infidélité mais tout simplement d’en rire, de la tourner en dérision. L’amalgame qu’il y a eu entre la réalité et Les Infidèles montre que les critiques négatives qui ont étés faites envers ce film ont impactés la persona de Jean Dujardin. Pour prendre conscience de l’origine des critiques négatives nous allons donc mettre en relation le texte avec sa réception. Le film que ce soit dans son marketing, sa réception, les différents messages des sketchs tout a été interprété en fonction d’une approche socio-culturelle.


Quand un film à sketch décide de s’attaquer au sujet de l’infidélité et que les deux têtes d’affiche qui sont aussi le moteur du projet sont Gilles Lellouche et Jean Dujardin, deux des acteurs français les plus populaires, il est logique de penser que le film va faire parler de lui. Le premier grand sujet public autour du film n’est cependant pas ce que les auteurs pensaient, il s’agit d’une polémique autour des affiches. Avant même de sortir le film fait donc parler de lui mais plus en mal qu’en bien. En effet les premières affiches du film montrant Jean Dujardin et Gilles Lellouche en plein acte d’adultère ont été retirées le 3 février 2012. Car selon l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité, ces dernières ont été jugées comme “dégradantes pour l’image de la femme” et jugées comme “objectifiant la femme”. Sur ces affiches nous pouvons voir les deux hommes habillés en costumes et tous les deux cadrés en plan taille de face, nous permettant de les montrer comme les personnages important dont le film va suivre la point de vue. Sur chaque affiche est présentée une infime partie du corps d’une femme suggérant une relation sexuelle. Avec en haut une phrase entre guillemets, présentant des jeux de mot avec la pénétration. Les femmes à qui s’adresse ses différents jeux de mots ne sont absolument pas représentées sur les affiches.
La seule représentation visible à laquelle on assiste est celle de femmes dominées par l’homme en étant trompées. Gilles Lellouche et Jean Dujardin semblent eux être indifférent durant l'acte ce qui donne un côté grossier a l'affiche. Il y a donc une séparation entre la représentation de l’homme qui est présenté comme ayant une situation financière et sociale assez élevée et dominant sexuellement la femme. Étant montrée comme un objet sexuel totalement déshumanisé par l’absence de son visage, montrant la suggestion d’acte sexuel comme seule fonction. Émettre un jugement sur le fait que ces affiches ne rendent pas hommage aux femmes paraît assez naturel et compréhensible, les hommes passent ici pour des salauds. Mais le film en lui même, en présentant les différents acteurs de l’infidélité ne cherche pas à en faire l’apologie. En effet si le film conforte la vision normative du patriarcat selon certains aspects,il cherche aussi à questionner et remettre en question l’infidélité à travers le registre de l’humour, du pathétique voir du dramatique. On peut penser que la polémique aurait été différente s’il y avait eu une parité parmi les têtes d’affiche, en mettant en oeuvre une configuration avec une femme trompant son mari à la place d’un des deux hommes et la présence d’un homme objectifié. Cependant ce n’est pas le cas et c’est sûrement un des facteurs de la mauvaise réception du film avant même sa diffusion. D’après le livre “Pourquoi aime-t-on un film ?” (*5), l’appréciation des propriétés d’un film s’organise toujours autour des états mentaux que les spectateurs prêtent aux réalisateurs. Autrement dit, le jugement d’un spectateur sur un film passe incontestablement par le jugement de son auteur. Les fonctions multiples qu’exercent Jean Dujardin et Gilles Lellouche sur Les infidèles ont probablement joués un rôle majeurs sur sa réception. Acteurs principaux, scénaristes et réalisateurs, le bad buzz (terme populaire utilisé sur le web pour désigner un buzz ayant un impact négatif) des affiches les pointant du doigt comme misogynes a dirigé inévitablement l’avis sur le film lui-même.
Le film à sketch de par sa nature de compilation de séquences à la narration différente jusqu’au thème similaire est très souvent partagé à la réalisation. Les infidèles ne fait pas exception et il y a 8 réalisateurs au total dans le film. Parmi les 8 réalisateurs nous pouvons compter Jean Dujardin et Gilles Lellouche qui sont présent à beaucoup d’étapes créatives du film. Parmis les 6 autres réalisateurs nous avons 5 hommes et une seule femme. Pour un film regroupant plusieurs histoires traitant de l’infidélité dans des couples hétérosexuels, le genre du point de vue de mise en scène est à 12.5% composé de femmes.


La parité n’étant pas respecté, peut-être qu’il s’agit du fait qu’il y a moins de femmes réalisatrices que d’homme en France. D’après un récent sondage, seulement 22.6% des films sortis entre 2005 et 2018 ont été réalisés par des femmes. Cette sous-représentation flagrante des femmes dans le monde du cinéma est problématique et pourtant, Les Infidèles réussis à faire baisser ce chiffre. Au vu du nombre de réalisateurs et de par le fait que le film est mis en avant avec les deux têtes d’affiches que sont Jean Dujardin et Gilles Lellouche en acteurs principaux, scénaristes, réalisateurs. Engager plusieurs femmes pour réaliser des segments n’était vraiment pas une prise de risque. Pour ce qui est de l’équipe de scénaristes constituée de 6 personnes il n’y a cette fois-ci qu’une femme. Emmanuelle Bercot, réalisatrice d’un des sketchs du film et aussi scénariste. De tous les acteurs du film, il n’y a qu’une personne qui a passé un casting. Autrement dit, tout le reste a été choisi parce qu’ils connaissaient les instigateurs du projet. Il est de notoriété publique que Gilles Lellouche et Jean Dujardin sont des amis très proches. Jean Dujardin a joué pour Michel Hazanavicius dans “OSS 117”, Gilles Lellouche a joué pour Fred Cavayé dans “A bout portant”. Guillaume Canet, Géraldine Nakache, Alexandra Lamy etc… toutes les personnes participant au projet sont en fait des proches, et il s’agit plus ou moins d’un “film de potes”. Cette donnée est donc importante à prendre en compte car les affinités ont dû énormément jouer dans le choix des personnes engagées. Cependant étant donné le thème du film, il aurait été préférable d’engager plus de femmes et aurait permit une plus grande homogénéité du propos.


Nous pouvons aussi penser que les critiques négatives sont dues à l’ambivalence que présente le film, entre les discours énoncés par les deux protagonistes et d’un autre côté le discrédit/l’humour apporté aux différentes situations. Si l’appréciation d’un film s’effectue selon les différents états mentaux qu’on attribue aux auteurs d’une oeuvre. Le film en question est ambivalent et présente la possibilité interprétative d’un double langage (*6) par rapport à l’approche socio-culturelle. Divisant les spectateurs, d’un côté ceux sensibles au second degré mis en oeuvre dans le film et le voyant comme une satyr de l’infidélité. Et de l’autre côté, les spectateurs voyant dans le film une forme de misogynie étant donné la représentation normative genrée de la femme comme objet, malgré l’humour et le côté pathétique mis en oeuvre.


Pour conclure, Les Infidèles est un film fait en grande partie par des hommes et ça se ressent dans son écriture et sa mise en scène. Malgré des intention nullement malveillantes, le long-métrage exploite un regard essentiellement masculiniste. De par son envie de parler et de rire d’un sujet, il n’en exploite qu’une partie n’étant pas forcément en faveur de la femme, ce qui va amener un blocage au niveau de la réception publique. Toutefois, des détails viennent mettre en exergue la bonne volonté exercée par les auteurs et apportent au film toute la complexité qui représente le point de vue genré du cinéma contemporain.

MathéoBarach
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El Mathox

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