Adi se dévoile au spectateur comme une ombre, un profil lointain dont on ne découvrira le visage que tuméfié, bleui et rougi par les coups qu'on lui aura assené.
Les traces sur son corps, il les porte comme une croix. La douleur il la porte en bandoulière, dans une forme christique qui regade l'humanité dans les yeux face à ce qu'elle peut faire de pire.
Le cinéma roumain parvient régulièrement à traduire des faits de société en films d'horreur glaçants. C'est dans le tracé de l'incontournable référence Cristian Mungiu (qui aura abordé, pêle-mêle, le racisme, l'avortement, la corruption) qu'Emanuel Pârvu semble s'inscrire, avec ce geste de cinéma fort, ce film d'une rigueur et d'une dureté presque insoutenables (on ne reviendra pas sur la terrible scène d'exorcisme), où le sussuré laisse place aux cris de souffrance et d'incompréhension, où la famille se déchire en des plans héroïques, où la société se polarise face à ses batailles démographiques comme irréconciliables (l'éternel division entre ville et campagne).
Face aux problèmes, au pluriel puisque chaque point de vue y trouvera le sien (une dette à rembourser, une "maladie" à guérir, une image sociale à ne pas abîmer, le calme d'une ville à conserver, des lois à faire appliquer, une souffrance à abandonner) chacun trouvera sa solution (la violence, la corruption, l'accord à l'amiable, le refuge dans une béatitude religieuse archaïque)
En refusant l'enquête, puisqu'il ne semble pas y avoir de crime donc aucun aveu honteux à faire, le film s'intéresse davantage aux implications qu'une histoire intime peut avoir sur une micro-société (que ce village balnéaire incarne bien), à l'influence des rumeurs, aux relations humaines qui explosent, aux réflexes virilistes qui s'expriment, aux jeux de pouvoir politiques. Et dans cette grande lutte des croyances (médecine vs. théologie) et des justices (des hommes, des lois, de Dieu), Emanuel Pârvu démontre en fait qu'aucune d'elle ne triomphe face à la fuite autonome vers un futur sans doute plus lumineux et si proche d'une victime devenue héroïque.