Le nombril d'Ulysse

Le nouveau Desplechin est … un Desplechin. Cultivé, bien ficelé et surtout monté sans failles, il a sur le forme une technique personnelle et rodée. Sur le fond il faut aimer les histoires de bourgeoisie déchue roubaisienne, c'est à dire la propre vie de l'auteur, sinon on risque de ne pas accrocher, sans non plus s'ennuyer. Donc il s'agit une nouvelle fois d'un film au sujet nombrilisme et cela peut agacer. D'autant plus que le film fait quelques pas du côté du film d'aventure, de manière tout à fait intrigante et réussie, avec les deux premières parties et avec la troisième, il ne parle plus qu'exclusivement que de l'histoire d'amour marquante avec son premier amour. Et tout le monde couche avec tout le monde. Et on fait semblant de rien, et on règle ses comptes trente ans après. Très français donc.
Un peu plus troublant et cette volonté de nous montrer ces longues scènes de sexe entre adolescents, ce qui, étant donné l'âge du personnage féminin, seize ans, place le spectateur presque en position de voyeur pédophile. Ah exhibitionnisme français quand tu nous tiens. Rassurez-vous, Kechiche à fait pire avec La Vie d'Adèle.
Le film joue savamment avec les codes de notre héritage grec d'un côté et d'un autre avec la culture venue du judaïsme et de la chrétienté sans jamais en donner assez pour qu'on puisse véritablement comprendre le projet derrière. Ulysse par ici, Pénélope par là, utilisée comme un personnage mineur, et Dédale qui tombe amoureux d'Esther. L' auteur veut-il nous montrer comment la culture grecque s'est mélangée jusqu'à nous avec la chrétienté ? Sans parler de l'aide aux juifs prisonniers des communistes … Un florilège de références entremêlées et à l'apparence hétéroclite.
En effet la culture utilisée ici est trop superficielle ou trop retenue pour pouvoir reconstruire le puzzle. Il est vrai que le film est construit en forme de rêverie, avec des retours en arrières, des fantômes qui apparaissent et des personnages qui parlent directement au spectateur quand il compose à haute voix leur lettre.
Pour résumé un film techniquement bien réalisé avec des acteurs crédibles mais qui possède un sujet bien trop circonscrit qui manquera d'attirer un large panel de spectateurs par faute à la fois de souffle, de transcendance et d'universalisme.