On l’attendait depuis longtemps le retour de Mel Gibson à la réalisation. Après son époustouflant APOCALYPTO en 2006, Gibson s’est vu boycotté par Hollywood après moult déboires et accusations à l’emporte-pièce. Il aura donc fallu 10 ans pour retrouver Mel Gibson au poste de réalisateur. Dans l’espoir de retrouver l’auteur incroyable de BRAVEHEART et de LA PASSION DU CHRIST, on se demandait tous si HACKSAW RIDGE (titre original) n’allait pas faire figure de mea culpa après une série de films jugée antisémite et pro catholique par une presse gauchiste toujours prompte à justifier le lynchage sur tous ceux qui pensent différemment.
C’était sans compter sur la force de conviction de son auteur. On aurait dû s’en douter. Mel Gibson est un auteur au sens noble du terme. Un artiste avec une vision. Film après film, il n’a eu de cesse de représenter des personnages dont la force de résilience n’a d’égale que leur foi en leur conviction, malgré l’adversité, les supplices et les douleurs. Obsédé par la représentation du martyr, Mel Gibson est le cinéaste de la torture et de la foi. HACKSAW RIDGE n’est absolument pas différent bien au contraire. Il révèle (au contraire) son incroyable intégrité en tant qu’auteur.
En ces temps de films « pseudo bad ass », Mel Gibson a eu l’ingénieuse idée de se focaliser le temps d’un film de guerre sur l’histoire vraie d’un brancardier qui par conviction chrétienne refusa de toucher une arme malgré son engagement volontaire dans l’armée américaine face aux japonais durant la seconde guerre mondiale. D’abord incompris puis maltraité par les siens, il finira par gagner le respect de sa section après avoir démontré un sens du courage rarement atteint sur le champ de bataille. La bonne direction de son auteur, c’est d’avoir poussé à son paroxysme la représentation du champ de bataille comme un véritable enfer au point de donner la nausée aux spectateurs. Comme à l’époque de La Passion du Christ où les vieilles dames étaient venues tranquillement voir les violentes douze dernières heures du Christ (dont elles voyaient pourtant chaque dimanche sa représentation clouée sur la croix) pour en sortir totalement choquées. HACKSAW RIGDE fait le même effet à tous ceux (dont moi-même) qui étaient habitués à une représentation de la guerre finalement plus esthétique que brutale ! Lors de la première séquence guerrière, la mise en scène ultra violente de Mel Gibson renvoie l’introduction de Il Faut Sauver le Soldat Ryan à un pur caprice esthétique tant ses images de charnier son dérangeantes et envoyées à la face du spectateur tel un geyser de vomi incontrôlé dont on se demande quand il va s’arrêter. Un membre coupé c’est bien trop propre pour décrire la charpie et les lambeaux de chair et d’os qui explosent à la figure du spectateur. Sur le champ de bataille, l’humain n’est plus que chair. Vidé de ses fantasmes héroïques guerriers. C’est d’autant plus efficace, quand la caméra de Mel Gibson s’appuie avant tout sur la vision d’un simple et plutôt frêle brancardier (le choix d’Andrew Garfield est excellent) dont on ne peut espérer de lui qu’il nous « protège » devant un tel carnage car il faut l’avouer, il est bien moins dérangeant d’être spectateurs d’un tel barbarisme caché derrière un point de vue fantasmé du héros de guerre avec sa grosse mitrailleuse dans les bras. Mel Gibson oppose alors l’ultra violence qui ne peut être par nature que dénuée de sens au véritable sens de l’héroïsme dont peut faire preuve l’être humain : Oser s’aventurer dans un tel enfer, sans armes, juste pour sauver des hommes, un par un, tout en se dépouillant du sentiment de toute-puissance, de la gloire et de l’auto-suffisance, afin de n’être qu’humilité et ainsi se faire simplement homme, comme le Christ sur le Croix.
Au fond, Mel Gibson est à l’image de ses héros qu’il dépeint avec une incroyable puissance évocatrice. Il est un homme de conviction. Il est tout simplement chrétien. Dans ces temps de fausse valeur et de posture idéologique, c’est carrément salvateur !