Réalisateur politiquement de gauche, il s’engagea dans la résistance romaine pendant la seconde guerre mondiale et milita par la suite au partie communiste, Carlo Lizzani, issu du courant du néo-réalisme italien, met en scène avec Requiescant, affublé d’un titre français encore une fois très évocateur mais totalement usurpé, Tue et fais ta Prière, son second western. Appartenant au registre du western révolutionnaire, dit Zapatiste, au même titre qu’un El Chuncho de Damiano Damiani ou qu’un Companeros de Sergio Corbucci, ce Requiescant traître du militantisme avec toujours cette grande objectivité qui caractérisait les réalisateurs italiens quand ils abordaient la révolte du peuple face à l’oppresseur.
Difficile de croire que la thématique pensée et finement analysée prenne le pas sur le militantisme quand se trouve derrière la caméra, un réalisateur très politiquement à gauche et devant celle-ci des acteurs comme Lou Castel, dans la peau d’un métisse, le fameux péon du western zapatiste, qui découvre un peu malgré lui sa grande maitrise du maniement des armes, un acteur très engagé politiquement lui aussi et cerise sur le gâteau, le réalisateur Pier Paolo Pasolini himself qui fût probablement l’auteur metteur en scène le plus représentatif de ce courant de militantisme, une sorte de Mélenchon intelligent qui lui y croyait réellement et était beaucoup moins franc-représentatif et plus honnêtement engagé.
Malgré ces apparats initiaux, on pouvait s’attendre à un grand oral tout en subjectivité et très orienté politiquement, c’était sans compter sur ce grand sens de la réflexion et ce refus permanent du simplisme et de la démagogie que savaient imprimer les metteurs en scène italiens quand ils jouaient sur le registre du western révolutionnaire.
Sans posséder la verve d’un Corbucci ou l’art de la mise en abîme d’un Sergio Sollima, Carlo Lizzani, en réalisateur peut-être un peu trop intellectuel s’empêtre parfois quand il s’agit d’aborder le genre frontalement. Se prenant parfois trop au sérieux, il oublie d’imprimer ce qui donna à ce courant du genre typiquement italien son sens du baroque et de la grandiloquence issu de la comedia dell’arte. Ce qui donne parfois au film une certaine rectitude qu’il peine à effacer par sa mise en scène parfois trop didactique.
C’est cependant dans un registre plus psychologique et Freudien que le film devient intéressant, avec la confrontation de ce personnage interprété par Lou Castel, quidam un peu naïf qui tombe là comme un cheveu sur la soupe, une sorte de Candide perdu dans la pampa devenant le bras armé de la cause malgré lui, et son double maléfique à qui Mark Damon, autre acteur récurrent du cinéma transalpin, prête ses traits, composant le méchant rassemblant au préalable toutes les tares affiliées à ce genre de personnage, gros propriétaire terrien, esclavagiste et mégalomane, l’ennemi du peuple par excellence selon les principes marxistes de base, qui endosse le rôle d’un personnage incarnant une époque révolue et porte ses travers dans un physique hautain dont le teint pâle lui donne un air maladif de baron vampire. L’opposition de ces deux personnages prend la plupart du temps le pas sur le traitement même. Le spectaculaire et l’action n’étant vraisemblablement pas vraiment l’apanage de Lizzani, il filme assez maladroitement les scènes de fusillade, on est loin du style Peckinpah.
Parfois un peu trop orienté, on sent que Lizzani croit en son message et ça l’honore, mais ce western aurait probablement mérité un traitement moins récurrent et plus visuel, et une prise de recul souvent salvatrice et peu plus consensuelle. Ce qu’avait su imprimer Sergio Léone et les deux autres Sergio du genre à l’italienne.