... Pour ne peut être plus jamais en ressortir. Allez savoir. Car la première qualité du Tunnel emprunté, c'est le sentiment d'immersion assez efficace qu'il entretient, se rapprochant, par instants, du travail que Rodrigo Cortès a pu fournir sur Buried. L'enfermement est bien là, surprenant tout d'abord dans sa soudaineté, étouffant dans son absence relative de lumière, par cette poussière en suspension, qui recouvre ensuite l'univers tout d'abord excessivement restreint dans lequel Jung-soo est emprisonné malgré lui.
Mais Tunnel n'est pas un film fixé sur son aspect on the rocks, dans les entrailles de la terre. A la surface, en effet, s'agitent les secouristes et arrive la famille de la victime, occasion pour Kim Seong-hoon de mettre en scène des personnages humains qui finalement, sont eux aussi prisonniers. De l'incompétence et du capitalisme sauvage. Des médias avides de sensationnalisme et de la fibre patriotique qui agite le coeur d'une nation prise en défaut.
Le film multiplie dans cette optique les ruptures de tons, comme les éclairages discontinus d'un Tunnel succédant aux ombres se reflétant sur la carrosserie d'une voiture. Il passe d'un burlesque parfois consternant à un dramatique qui prendra parfois par surprise, de l'espoir à la fatalité, d'un rire gêné aux larmes les plus déchirantes.
Tunnel s'engage ainsi dans une double voie, typique du cinéma coréen, aussi riche qu'elle frôle en certains instants le trop plein. Car il porte haut sa critique sociale déshumanisante, la destruction de la nature, le développement urbain non maîtrisé, la bêtise et l'incompétence des services de l'Etat ou encore ce capitalisme dérégulé et pingre fait d'économies de bout de chandelles, faisant de ce qui est écrit au dessus de ce funeste tunnel un pied de nez tout aussi tragique que lamentable.
Le film fait aussi vivre de véritables personnages fouillés, attachants chacun à leur manière et tous terriblement humains. S'inscrivant dans un triangle en forme de partage des émotions imparfaites balançant entre espoir, survie, humanisme, force de caractère et décisions difficiles écrasées par des enjeux économiques qui les dépassent.
Tunnel, ainsi, aurait tout du film parfait, de la claque immédiate, comme presque chaque film issu du pays du matin calme. Mais affirmer cela serait cependant passer sous silence quelques errements dans sa narration, solide mais un peu lente par instant, ou qui se perd en une ou deux sous-intrigues qui, pourtant, permettent à Kim Seong-hoon, par exemple, de faire ressentir au spectateur la tristesse infinie de partir sans avoir rien construit dans sa vie, volée par les études et le travail .
Ce sont aussi quelques longueurs dans le déroulement des événements, qui font bien passer la sensation que le film dure bien plus de deux heures. Même si elles servent la représentation de la réalité vécue par Jung-soo, ce temps qui se dilate et qui se suspend alors que les jours d'une survie précaire s'additionnent, se multiplient, ne se comptent même plus.
Ces quelques défauts font de ce Tunnel un film sympathique, sans pour autant se hisser au niveau de maîtrise affiché par Kim Jee-woon dans J'ai Rencontré le Diable, le Bong Joon-ho de Mother, le Park Chan-wook made in Mademoiselle, ou encore par le Dernier Train pour Busan de Yeon Sang-ho. Sans pour autant en faire un film médiocre, bien au contraire.
Behind_the_Mask, Rocks around the clock.