Né de la frustration de Kevin Smith sur l'expérience Top Cops, Red State, pur OFNI frappadingue et inclassable, laissait entrevoir un tournant fascinant dans la carrière d'un scénariste / réalisateur prenant d'avantage de plaisir à parler d'un film que d'en réaliser un. Désormais soucieux d'aller là où on ne l'attend pas, de surprendre constamment, Smith revient avec Tusk, délire non-sensique tiré d'un de ses nombreux podcasts.
A partir d'un point de départ complètement con (un savant fou tente de transformer son hôte en... morse !) et avec à peine deux millions de dollars en poche, Kevin Smith ose, prend des risques, tente des trucs, au risque de se rétamer la gueule sur le bitume. Ce qui arrive parfois, notamment lors des interventions parfois embarrassantes d'un Johnny Depp en roue libre dans la peau d'un détective québécois.
Mais peu importe que Smith se plante à certains moments, car il émane de Tusk une folie, une prise de risque indéniable, une envie d'aller là où ses collègues plus recommandables n'oseraient pas s'aventurer. Constamment en rupture de ton, passant de la gigantesque farce de sale gosse à une horreur sans nom, Tusk devient véritablement troublant et inconfortable lorsqu'il décrit la psyché d'un homme salopé par la vie et ayant programmé sa propre destruction, ne supportant plus sa condition d'être humain.
Une vision extrêmement sombre de la nature humaine, illustrée par un duel psychologique aussi tendu qu'horriblement drôle entre le bourreau magistralement interprété par Michael Parks et un branleur hautain campé avec une belle conviction par Justin Long, luttant, lui, pour ne pas devenir cette monstruosité fantasmagorique.
Tour à tour brillant, boiteux, dérangeant, débile, cruel, émouvant, bavard ou bien même abscons, Tusk ne plaira bien évidemment pas à tout le monde mais mérite assurément le détour, ne serais-ce que pour sa démarche totalement suicidaire et pour les superbes maquillages de Robert Kurtzman.