Tusk
5.6
Tusk

Film de Kevin Smith (2014)

Malheureusement, on n'entend pas les Beatles dans ce film...

J'avais un peu peur que Smith imite Tom Six au vu du sujet. Mais ça va. J'avais aussi peur que ce soit du calibre de "Zack & Miri make a porno" que je trouve assez plat. Je n'ai pas vu "Cop out" mais sa réputation n'est plus à faire. En revanche, je n'ai pas encore vu "Red State" qui a conquis pas mal de gens.

Tiens, en zieutant la filmo du réal, je constate qu'il a plein de projets... en tant que réal ! Lui qui avait annoncé prendre sa retraite et faire en sorte que "Clerks III" boucle la boucle, le voilà avec 3 autres films en prépa (dont 2 qui formeront avec "Tusk" la trilogie canadienne).

Soit. Le scénario fonctionne assez bien. C'est très Smithien dans le sens où il n'y a que très peu de scènes et que chacune se compose principalement de dialogues. Peut-être pas tous tournés autant vers la pure comédie comme dans Clerks, je trouve qu'il y a quelque chose d'un peu plus mature, Smith fait passer des idées mine de rien. Et puis certains passages sont vraiment spectaculaires. La trame narrative est assez simple et efficace. Une idée bête, fun, rigolote, poussée à fond. J'y adhère. Les quelques flash back ne sont pas ma tasse de thé, mais ne m'ont quand même pas dérangé. Assez bizarrement, ces retours en arrière n'ont pas pour but de rappeler combien la victime était une bonne personne, mais plutôt le contraire. C'est un film assez pessimiste au bout du compte. Les personnages sont bien construits : le détraqué qui ne dit pas une seule fois la vérité de tout le film ; l'américain salopard qui se fiche de tout et tout le monde ; la petite amie naïve jusqu'au bout, amoureuse, dévouée ; le meilleur pote lâche, qui n'avouera jamais en face sa véritable personnalité ; l'idiot à l'instinct afûté en guise de flic. La scène climactique m'a semblé un peu molle, c'est dommage, Smith, n'a pas su faire monter la tension convenablement, le montage en parallèle paraît un peu maladroit et surtout expéditif (entre la voiture re trouvée et le débarquement dans la maison, tout va trop vite), mais la conclusion finale est vraiment très forte.

Côté mise en scène, c'est impeccable. Smith n'a que 15 jours. Pas grave, ce sont principalement des dialogues qu'il tourne. Champs et contre-champs. Quelques mouvements par-ci et par-là, ils sont rares, ils sont pertinents (soit pour raconter quelque chose, soit pour relancer la dynamique et intensifier ce que disent les personnages). Et quels acteurs ! J'ai rarement vu un tel investissement pour un film d'horreur : des personnages qui pleurent souvent et de manière convaincante.

Attention, je précise quand même qu'on ne sombre jamais dans le misérabilisme. Si Smith colle aux basques de la victimes durant la première moitié du film, il suit l'inspecteur et les amis lors de la deuxième moitié, comprenant bien qu'il n'y aurait aucun intérêt à voir ce 'héros' se faire charcuter sans pouvoir se défendre. Et entre ces deux points de vue, une transition effectuée par le tueur dont on va suivre l'objectif : transformer un homme en morse. Cette structure m'a rappelé celle de "Psycho" de Hitchcock. J'ai repensé à ce film plusieurs fois pendant le visionnage de "Tusk". Peut-être d'autres clins d'oeil que je n'ai pas perçu consciemment ?

En ce qui concerne le charcutage, il faut bien le dire, Kevin Smith évite le gore. Et c'est sans doute ce qui fait le génie du film, ce qui fait que "Tusk" se démarque de bons nombres de films d'horreur. À l'instar d'un "Human Centipede (first sequence)", le réal évite de montrer les scènes trash, il se contente de filmer le détraqué qui dit ce qu'il va faire ou bien les outils, ou une jambe dans un seau de glace... Et c'est suffisant.

Après, par contre, il filme son morse. Et c'est ça le plus beau. J'avais peur que ça ne tienne pas la route, que le costume fasse peluche. Mais c'est encore pire que ce que je pensais et c'est encore mieux. Ce sont des morceaux de peaux (prélevés sur d'anciennes victimes peut-être?) cousus l'un à l'autre et puis à la victime qui forment la tunique. C'est grotesque, soyons franc. Mais c'est justement ça qui m'a plu. Quand le grotesque et l'horreur se touchent, chez moi, ça fait tilt. Un peu comme dans "Nightbreed", "Basket Case" ou "The Fly". Quand on voit ces monstres, on ne peut s'empêcher d'émettre un sourire. Et pourtant le contexte rappelle qu'il s'agit là d'horreur. Le sourire se transorme en malaise.

Bref, "Tusk" m'a vraiment surpris. J'ai trouvé le film très intéressant. Les dialogues sont très bien écrits, c'est drôles et porteur de quelques messages, le fun est bien dosé, de même que le sentiment d'horreur. C'est un bel aboutissement, sans doute un des meilleurs films de Smith. J'espère que le reste de la trilogie sera du même acabit.

PS : j'ai oublié de préciser que je n'écoute pas le podcast de Smith, mais que je suis au courant du fait que l'idée de ce film vient d'un délire lancé lors de son émission hebdomadaire ; d'ailleurs durant le générique, ce passage est transmis, démontrant bien que c'est le vote positif des fans qui a permis à ce film de voir le jour.
Fatpooper
8
Écrit par

Créée

le 18 déc. 2014

Critique lue 1.1K fois

13 j'aime

2 commentaires

Fatpooper

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

13
2

D'autres avis sur Tusk

Tusk
clochettelong
1

Entre ennui profond et irrépressible envie de vomir.

Bon, je n'ai pas pour habitude de noter ou d'écrire sur un film que je n'ai pas aimé. Mais là, j'ai besoin d'exorciser la stupeur dans laquelle m'ont plongée ces 102 minutes douloureuses de...

le 6 févr. 2015

23 j'aime

Tusk
VictorTsaconas
1

#WalrusNon, non et non!

(...) le parrain de la geek culture mondiale Kevin Smith est à l’honneur ce soir, pour son dernier film Tusk, délire horrifique dans la lignée du géniale The Human Centipede de Tom Six. J’attendais...

le 30 nov. 2014

18 j'aime

9

Tusk
Fry3000
2

#WalrusNo

Parce qu'il a fait ce film que j'admire nommé Clerks, j'attends avec une certaine impatience tout film qu'annonce Kevin Smith. Il avait fait une incursion aux frontières du cinéma d'horreur avec Red...

le 24 nov. 2014

15 j'aime

3

Du même critique

Les 8 Salopards
Fatpooper
5

Django in White Hell

Quand je me lance dans un film de plus de 2h20 sans compter le générique de fin, je crains de subir le syndrome de Stockholm cinématographique. En effet, lorsqu'un réalisateur retient en otage son...

le 3 janv. 2016

122 j'aime

35

Strip-Tease
Fatpooper
10

Parfois je ris, mais j'ai envie de pleurer

Quand j'étais gosse, je me souviens que je tombais souvent sur l'émission. Enfin au moins une fois par semaine. Sauf que j'étais p'tit et je m'imaginais une série de docu chiants et misérabilistes...

le 22 févr. 2014

120 j'aime

45

Taxi Driver
Fatpooper
5

Critique de Taxi Driver par Fatpooper

La première fois que j'ai vu ce film, j'avais 17ans et je n'avais pas accroché. C'était trop lent et surtout j'étais déçu que le mowhak de Travis n'apparaisse que 10 mn avant la fin. J'avoue...

le 16 janv. 2011

107 j'aime

55