Ce qu'il y a de génial, c'est que Dumont filme les grands paysages de Californie comme s'il filmait un rond-point calaisien : il dé-magnifie ces fascinants déserts et les rend presque banals. Les amateurs de belles images seront forcément déçus, et tant mieux puisque le projet de Dumont est ailleurs. Ces images ternies, cette "dé-spectacularisation", toute cette environnante grisaille ensoleillée qui fait le terrain de ce Twentynine Palms, seules rendent possible une certaine expérience sensible : celle du réel. Un réel abstrait, perdu, mais profondément quotidien. Bizarrement, ce sont les scènes d'intérieur dans les chambres des motels miteux qui sont picturales - froidement, sinistrement, presque cliniquement, mais picturales !


Je m'amuse aussi à penser que l'américanisme alla Dumont, c'est l'absence des habituelles gueules "cassées" : les deux personnages sont minces, à l'aise, jeunes, lisses et presque beaux, bien qu'un peu dévitalisés.


Le film entier est parcouru par l'étrange. Villes et routes désertifiées, des personnages n'ayant que des "dysfonctionnal conversations" en franglais, autrement dit, un couple incapable d'échanger autrement que par le sexe, un sexe, d'ailleurs, maladroit et très humain, mais qui tend parfois à quelques formes de violences masculines, aussi, la vacuité apparente du voyage entrepris par ce même couple, et d'autres choses encore. Jusqu'aux dernières minutes du film, où la violence explose. Le film ne va pas crescendo mais préfère une lenteur soutenue, parsemée d'indices qui ont valeur d'avertissements. Et l'horreur absolue du finale est d'autant plus horrible qu'elle jaillit de ce terreau de réel.

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le 24 mars 2020

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