Quelle aventure ! À l’occasion d’un cycle Lynch au cinoche du coin, je suis allé voir ce Lynch que j’avais toujours manqué. Bizarrement, je pensais que le film était à voir avant la série. Sauf que non. Résultat, j’ai pas compris grand-chose et j’ai mis ça sur le dos d’un David Lynch dont on ne s’étonne pas de voir une production cryptique. Deux saisons de la série plus tard, je revois le film à la maison. C’est mieux, forcément.
Le film, divisé en deux chapitres, raconte l’enquête autour du meurtre de Teresa Banks et, plus tard, les sept derniers jours de Laura Palmer.
Donc en effet, il est absolument nécessaire de voir la série pour comprendre le film, préquel à celle-ci. Évoquer le film sans parler de la série me paraît difficile et parler de tout ça sans divulguer quelques ressorts de l’intrigue me paraît impossible. En ce sens, je salue le courage d’Erwan Cadoret, spécialiste du rêve dans le cinéma de Terry Gilliam, venu le jour de la projection expliquer Twin Peaks à des spectateurs qui n’avaient vu ni le film ni la série. Chapeau l’artiste. Ainsi, moins téméraire, je me contenterai d’une critique appréciative et ne rentrerai pas dans le champ de l’analyse. On reconnaîtra que la première partie est assez étrange car elle ne se passe pas à Twin Peaks et ne met pas vraiment en scène les personnages de la série. Elle permet néanmoins de comprendre que le meurtre de Laura Palmer n’est pas un fait isolé et elle ajoute une touche d’humour étrange, par ailleurs absente de la deuxième partie. C’est aussi l’occasion de faire apparaître à l’écran le détective Dale Cooper et les copains Bowie et Isaac. Le deuxième chapitre est quand même nettement plus intéressant. On s’étonne que le personnage de Donna ait été recasté et que tout un pan de l’intrigue de la série (la scierie et l’hôtel) soit totalement absent. En vrai, ça s’explique par la vive déception d’une partie du casting face à une deuxième saison en demi-teinte et donc sa démission. Ici, l’histoire est réellement centrée sur Laura Palmer et son entourage proche : famille, petits copains, le banditisme local. La dimension psychologique du personnage est mise en avant, sa souffrance, ses excès, sa rédemption. Enfin, le film entend « expliquer » la présence d’une force maléfique sous les traits de Bob. Le film propose même un arc temporel qui suggère que le présent et le futur ne font qu’un. Comme dans la série, certains personnages sont proprement pénibles (Bobby, James) mais à la différence de celle-ci qui, de fait, ne pouvait mettre en scène Laura Palmer que par son absence et ce fameux portrait, la miss Palmer occupe tout l’espace, toutes les préoccupations. Et Sheryl Lee donne tout. Bien qu’elle soit assez antipathique, on ressent une infinie tristesse pour cette paumée, belle mais pas vraiment, hypnotique à coup sûr. Esthétiquement, c’est du Lynch de l’époque : couleurs baroques, cadrages inventifs, mouvements lents, césures, alternances entre fondus sériels et cuts violents. Autre point marquant, le film va beaucoup plus loin que la série dans l’évocation graphique avec nudité et violence au programme.
En bref ? Une expérience entêtante. Sitôt le film terminé, on est pris par l’envie de relancer la première saison. Cet univers ne donne pas toutes les clés et laisse une large part à l’interprétation et aux compléments. D’ailleurs, la suite de mon programme comprend nécessairement les Missing Pieces et la saison 3, déjà promise comme on promet la lune 25 ans auparavant. Hâte !
>>> La scène qu’on retiendra ? Comment choisir entre la séquence dansée, la mise à mort et l’épilogue dans la loge ?! Pour son caractère extrême et totalement chaos, je garderai la séquence dans la boite de Jacques Renault.