Corman haute définition (Dieu que j'ai ri)
Regardant le film sur mon ordinateur, je me suis arrêté quand le Skype de Hall sonnait pour vérifier si ce n'était pas pour moi. ^^
Le film s'ouvre sur les images d'une petite ville tranquille, avec une voix off d'outre-tombe, qui en vient à parler du beffroi à sept horloges, du sheriff graphomane, de meurtres "trop terribles pour être évoqués" et du lac, où des jeunes drogués gothiques campent. Et déjà, on comprend que quelque chose ne va pas, mais pas dans le sens où quelque chose n'irait pas dans un film fantastique. Non, c'est tout simplement le ton, délibérément désinvolte, qui jure avec les images sublimes et l'air très concerné des acteurs.
On se situe donc, je n'irais pas dans la parodie, mais plutôt dans le pastiche. Et tout le film est à l'avenant. L'intrigue est décousue, le seul fil rouge étant l'enquête de Hall Baltimore, un Stephen King alcoolique au rabais joué par Val Kilmer (très second degré). En manque d'inspiration, et harcelé sur Skype par sa femme qui demande le divorce s'il ne se renouvelle pas, il enquête, sur une recommandation du shériff fêlé Bobby Lagrange, sur le meurtre de douze enfants dans une ancienne école tenue par un pasteur et depuis reconvertie en hôtel. Mais Hall (au fait, Poe a vécu à Baltimore) enquête par le biais des rêves, guidé par E. A. Poe himself, qui tient une lanterne à la main et discute de procédés narratifs d'un air lourd de sous-entendus. Les séances d'écriture de Hall sont également hilarantes ("and remember : no fog on the lake !", ou le moment surréaliste, visiblement improvisé, où il se prend pour un basketteur noir homo), tout comme sa volonté de cesser les histoires de sorcières pour se renouveler complètement avec un roman au titre accrocheur de... "Vampire executions".
En anglais, le mot pour "téléphoné" est "cheesy". Et pour apprécier ce film, il vaut mieux aimer le fromage. Tout semble cousu de fil blanc, des morts revenant à la vie au beffroi aux grosses horloges soi-disant habité par le diable. Mais la palme revient aux jeunes du lac, glam-rockeurs récitant du Baudelaire dans le texte (un exploit pour un film américain), avec grosses motos et filles faciles. Evidemment, le chef de la bande essaie de sauver une des filles de l'école sur sa moto, façon James Dean. Evidemment, le pasteur fou emmure sa victime.
L'image, je l'ai dit, est en revanche très élégante. Du cinéma pur, vierge de digitalisation outrancière. Que ce soit les extérieurs aux couleurs saturées qui transpirent le sud des Etats-Unis ou les scènes de rêves en gris et blanc (parfois teinté de rouge, bien sûr), on retrouve l'élégance et le souci de perfection de Copolla. A noter l'utilisation du split-screen pour les séances de Skype, et pas mal de scènes inutiles, faites pour le fun (la valise-table pliante de Hall, sa séance de dédicace calamiteuse dans une quincaillerie...).
Au premier degré, "Twixt" est un film bourré de clichés, lent, décevant, mais aux images somptueuses. Au second degré, c'est un pastiche élégant, mais sans prétention, des productions à la Roger Corman, avec même quelques allusions au début de carrière de Copolla ("Dementia 13").
A voir, par curiosité.