Action.
Voilà un archi-genre hétérogène qui regroupe bien des genres cinématographiques mais dont la définition est usuellement rédutie à BIM BAM BOUM VLAM FEU !!! et les noms de Sylvester Stallone, Arnold Schwarzenegger, Jean-Claude Van Damme, Norris, Jet Li, Jackie Chan, Bruce Lee, Bruce Willis, Wesley Snipes, Dany Trejo, parfois Jean-aul Belmondo et, comme dans Ultime décision, Kurt Russell, Steven Seagal,
Pourtant il arrive que certains se hisse au haut du panier explosif et testostéroné ordinaire. Des films qui font aimer le film d'action, lui procure une intelligence narrative, lui offre ses lettres de noblesse. Au nombre desquels l'inénarrable Piège de Cristal, l'orwellien Demolition Man et le méconnu Ultime décision.
Summum de l'ascenseur émotionnel
Ce qui fait la première force de dernier, c'est l'ascenseur émotionnel qui accompagne des enjeux à hauteur de titre. Proche d'un Jack Ryan sauce À la poursuite d'Octobre Rouge, modèle de ce qu'aurait pu être La Somme de toutes les peurs, Ultime décision fait le récit d'un détournement d'avion par un terroriste d'une démence froide, d'une stratégie et manipulation psychologique sans précédent et sans successeur. Seul individu à même de deviner ses desseins: un analyste que la seule idée de passer le permis avion effraie.
Le combat psychologique entre les deux entités incarnant le Bien et le Mal de soupçons en décisions inattendues, de cachettes en confrontations, de ratés technologiques en problèmes de communication, de retournement de situations en taupes infiltrées, d'interventions de passagers en pertes successives des hommes de terrain laissant les hommes de bureau et de labo en totale zone d'inconfort, telle est la recette haletante de cet excellent film d'action.
À la croisée d'un Jack Ryan, d'un John MacClane et d'un Piège en haute mer mais dans les airs, le film surprend sans arrêt son spectateur sans tomber dans le tape-à-l'oeil moderne.
Sympathy for the devil
Ce qui fait aussi la force de cet énième actionner - pour employer le terme générique américain qui fait briller en société - c'est son illustration parfaite de la règle narratologique hitchcockienne - pour employer un jargon, certes, mais plus honnête - qui veut que "meilleur sera le méchant, meilleur sera le film".
Ici, l'antagoniste pourrait à lui seul faire l'intérêt du film.
Nagi Hassan, qui, à première vue, surtout pour le spectateur du XXIe enfermé dans sa petite bulle et son argument de connaissance réduit à sa date de naissance, peut paraître un parfait stéréotype américain sur le Moyen-Orient et le terrorisme, s'avère un idéaliste incorruptible et impassible, que le meurtre de ses propres alliés ne saurait gêner. Un méchant qui sait tempérer l'angoisse comme la générer, qui alterne calme olympien et colères démonstratives. Et, avant tout, un regard, celui de David Suchet, énigmatique, inquisiteur et pénétrant.
Un méchant intransigeant et qui tue raide et sec comme un couperet, loin des fanatiques fréquents de ce genre de production.
Une grande et belle prestation du grand mais trop peu reconnu David Suchet !
Synthèse des héros
L'autre raison de succès sans arrêt renouvelé et renouvelable d'Ultime décision, c'est le choix fait de ne pas faire le choix entre héros classique, impressionnant, increvable, puissant, et héros progressiste, névrosé, triste, hamlet-like et truffé de failles humaines. Les héros ici forment une synthèse, un creuset où se brûlent le héros classique Steven Seagal et sa bande, le héros geek avant-gardiste d'Oliver Platt et la jeune hôtesse civile campée par Halle Berry pour faire naître le très complet héros joué par Kurt Russell, mi-classique mi-moderne, autant Hercule qu'Ulysse, autant champion physique que génie intellectuel.
Une réussite plaisante loin des duels entre types de héros, loin du ton méprisant du biceps vis à vis du cerveau ou du regard condescendant de l'intellect pour le biceps. Une synthèse, une entre-aide comme l'espoir en des films dépourvus de tout militantisme archaïque ou SJW actuel, avec des êtres humains qui assument leurs convictions même les plus sombres ou qui se dépassent dans l'épique.
Survivance de la surprise
Outre cette figure synthétique qui rivalise avec celle des héros jugés passéistes et celles des héros proclamés modernes, ce film va surprendre le spectateur néophyte et plaire au spectateur aguerri. Il porte en lui-même un casting de luxe et des voix française qu'il est toujours plaisant de ré-entendre. David Suchet aux anti-pôles du Hercule Poirot qui lui colle désormais à la peau, Kurt Russel méconnaissable en intellectuel craintif qui va devoir accepter le danger, une Halle Berry qui rend le stress sensible sans être dénuée du sex-appeal qui la caractérisait encore, Steven Seagal et Oliver Platt plus que sympathique bien qu'en pilote automatique, pour ce qui est de la distribution. Gérard Rinaldi plus effrayant que dans ses autres doublages de génies du Mal et Pierre Hatet qui reprend - quoique trop sagement - son rôle d'administratif machiavélique, pour le doublage.
Ajoutez une musique wagnérienne de Jerry Goldsmith qui fleure bon le film des années 90: vous pouvez déguster le tout.