Longue fresque autobiographique de plus de 2h30 composée en trois temps, Un ange à ma table réussit à ne pas se répéter, à garder l’attention du spectateur, à intriguer, à séduire.
La raison se trouve principalement chez ce drôle de personnage qu’est Janeth, à travers le regard de laquelle le monde surgira parmi l’effroi et la splendeur, incarnée à chacun des trois âges par une actrice différente, toutes excellentes quoique non professionnelles, procurant la troublante impression d’être vraiment la même personne, celle-ci affublée d’une sauvage tignasse rousse à la Eraserhead avec qui elle partage un côté bizarre, d’une timidité maladive la poussant presque à l’autisme et d’une effarante panoplie de tares sociales, physiques et psychologiques, le tout atténué par la grâce de la création qui lui a été, semble-t-il, miséricordieusement attribuée.
Son destin hors normes, plus semé d’embûches que de gloire, la mène au long des âges d’un côté à l’autre sans trêve, au fur et à mesure de ces pérégrinations et évolutions personnelles, de maisons en maisons, de villes en villes puis de continents en continents. Campion traduit à merveille ce mouvement grâce à un très bon montage, une très bonne gestion du temps diégétique dans lequel elle opère de pertinentes ellipses au moment adéquat. La cinéaste, dont le prochain film sera La leçon de piano, affiche déjà un sens extraordinaire du récit, une excellente écriture des personnages, une rare capacité à capter les émotions et ses nuances, un don évident pour la mise en scène.
Un très beau deuxième long-métrage qui vaudra à Campion le grand prix du jury à Venise.