C'est drôle : cela fait un bon moment qu'un film de Stéphane Brizé ne m'a pas vraiment plu, et pourtant je ne peux m'empêcher d'y aller à chaque nouveau titre avec l'espoir d'adorer. Il faut dire que la bande-annonce m'avait plu et que la sincérité du bonhomme pour prendre à bras-le-corps des sujets sociaux (voire sociétaux) ne fait aucun doute : ici un portrait à la fois dur et très humain du monde de l'entreprise lors d'un plan social, prenant le parti pris intelligent de raconter cette histoire à travers le regard du patron de la boîte, sans simplisme ni caricature. Malheureusement, on retrouve les défauts inhérents au cinéma du réalisateur et dont il ne semble absolument pas vouloir se départir : les scènes sont longues, trèèèèès longues, parfois troooooop.
Autant cela ne m'a pas dérangé concernant toutes les situations professionnelles, se justifiant presque à chaque fois et faisant réellement avancer l'intrigue, les situations. Je suis nettement plus dubitatif sur les à-côtés, certes intéressant pour éclairer la vie privée du héros, mais ralentissant plus qu'autre chose le récit, d'autant que leur durée aurait pu être divisée par deux sans aucun problème. C'est qu'il aime ça, l'ami Stéphane : filmer sur la durée, lentement, frôlant la pose sans l'atteindre. Il en est parfaitement conscient, l'assume, voire le revendique titre après titre. Libre à lui. Libre à moi de trouver cela parfois pesant, desservant plus son œuvre qu'autre chose.
Maintenant, il faut reconnaître que ça sent le vécu. On y croit. Le scénario est intelligent, sobre, faisant preuve d'une belle qualité d'écriture, où l'on ressent constamment cette dimension profondément humaine, engagée sans être lourdement moralisatrice. Elle peut surtout compter sur un Vincent Lindon exceptionnel dans l'un, si ce n'est le plus grand rôle de sa carrière : il est magistral, entouré par des seconds rôles peu connus (Sandrine Kiberlain et Marie Drucker, toutes deux excellentes, exceptées) également très talentueux. Le « grand Stéphane Brizé » attendra, mais ne vous privez pas pour autant de cet « Autre monde » éclairant sur le monde du travail et notre rapport à celui-ci.