Ce court film (65 minutes en tout !) du documentariste américain Frederick Wiseman combine deux éléments que je n’aurais jamais pensé voir réunis, à savoir l’histoire de Sophie Tolstoï, l’épouse du fameux auteur de Guerre et Paix et d’Anna Karénine, avec comme toile de fond, la justement nommée Belle-Île-en-Mer.
C’est une partition à un seul personnage, Sophie Tolstoï donc (ce qui fait que l’actrice Nathalie Boutefeu compose à elle seule l’entièreté de la distribution !), qui, à travers la lecture d’extraits de sa correspondance et de son journal intime ainsi que de ceux de son mari, s’adresse sans cesse à ce dernier, sorte de deuxième personnage absent, lui exprime son amour, ses désillusions par rapport à leur couple, lui reproche son caractère tyrannique, ingrat, égoïste pour finalement atteindre une forme de résignation.
Entre deux lectures de textes, des images de la nature magnifique des lieux (Belle-Île pour rappel !), aussi bien à l’intérieur des terres, bluffantes par leur diversité végétale, que sur le littoral, sont greffées. Symboliquement, on peut éventuellement se dire que ces lieux, étonnamment bretons là où on verrait plutôt des steppes, expriment les libérations temporaires de la protagoniste par rapport aux difficultés au sein de son foyer conjugal. Cinématographiquement, Wiseman a dû se dire que filmer uniquement quelqu’un en train de lire dans un endroit unique, ça doit être chiant comme la pluie. Résultat, on a ce drôle de mélange.
Par sa voix et aussi par sa posture, Nathalie Boutefeu réussit parfois émotionnellement la rage rentrée (même si sa robe se retrouve quelquefois coincée par la végétation muette sur laquelle elle exprime la colère de son personnage ; ce qui est amusant !) contre un mari qui n’a pas su (ou voulu !) lui rendre son amour. Bon, après, c’est sûr que le monologue, entrecoupé ou non, quand il s’étend sur la durée complète d’un long-métrage, n’est pas le dispositif narratif le plus enthousiasmant dans le septième art et est loin d’être dénué de pesanteur. Pour cette raison, malgré quelques beaux éclats, de la part de la comédienne ou de Belle-Île, l’ensemble peine à captiver continuellement.