Il y a quelque chose qui m’a toujours dérangé chez Jean Becker. Cette propension à sans cesse chercher l’émotion finit toujours par sonner faux. Cet excès de mise en scène, cette présence toujours latente d’un souffleur qui rappelle au spectateur que c’est le moment de verser une larme ou d’éclater de rire a tendance à créer une mécanique bien maladroite. Crime au Paradis n’échappe pas à cette lourdeur. Pire, elle est le muscle du film. Seulement, à trop s’apitoyer sur le personnage de Jacques Villeret et à forcer le trait sur le personnage d’une Josiane Balasko qu’on aimerait détester plus, l’ensemble se révèle infiniment factice. Les personnages ne sonnent jamais juste, l’émotion et le rire sont ici de pacotille, tant et si bien que cela finit par créer un certain malaise.
L’erreur principale du film est peut-être de n’avoir pas réussi à l’ancrer dans son époque. La Poison est une comédie noire qui fonctionne avec son époque. Le sentiment y est excessif mais Michel Simon et Germaine Reuver interprétaient des personnages en phase avec leur temps. Ce n’est ici pas le cas. Pire, Sébastien Japrisot et Jean Becker en ont fait des personnages tragiques, eux qui étaient simplement des originaux gentiment arriérés chez Sacha Guitry. Quand les personnages de farce deviennent des personnages tragiques, le ton n’est plus le même. La fable cynique tourne ainsi au drame rural où les bons mots placés dans la bouche des personnages semblent toujours improbables. Cette dissonance s’entend chez tous les comédiens qui, même quand ils jouent juste (et ils sont nombreux à être de bons comédiens), semblent forcer le trait.
L’ensemble se regarde sans ennui cependant car l’histoire principale est habile, la réalisation soignée et certaines scènes parfois amusantes. Mais le projet ne s’éloigne pas assez de son modèle et souffre inévitablement de la comparaison. Le film n’a rien à dire en dehors de son histoire principale. Il ne développe pas une satire suffisamment virulente contre les villageois et entretient une embarrassante empathie avec Jacques Villeret. Il se contente d’être une photo carte postale de la vie rurale et passe ainsi à côté de nombreux thèmes qui faisaient la richesse et la virtuosité de l’œuvre originale. Autrement dit, s'il est honnête, le remake manque cruellement d'arguments pour se justifier.