Continuant son incursion dans la compréhension du Mal par la manipulation psychologique infectant la société depuis son premier film (Ennemi Public) et surtout le génial Usual Suspect, c’est presque sans surprise qu’il adapte cette nouvelle de Stephen King. Cette dernière aborde l’horreur commise par un régime considéré comme l’un des pires (le pire ?) que nous ayons connu dans l’Histoire, à travers les yeux d’un adolescent cherchant à comprendre comment l’homme a pu en arriver à cet extrême.
Ayant une chance unique (vraiment ?) de pouvoir échanger avec un ancien nazi pour saisir l’essence du Mal amenant aux atrocités les plus inimaginables, cela ne sera pas, sans effets, sur la psychologie de Todd Bowden influencée par touches subtiles par Kurt Dussander au fur et à mesure de leurs entretiens.
Ce jeu du chat et de la souris l’entraînera à comprendre, malgré lui, la psyché d’un tel individu en allant jusqu’au bout d’un certain processus. Le vieil homme cherchera par tous les moyens à s’échapper de cette relation néfaste pour recouvrer sa liberté.
Ce face à face permet de découvrir le talent du regretté Brad Renfro dans l’un de ses meilleurs films (avec Sleepers et Bully) avec l’incroyable Ian Mckellen (Magnéto, Gandalf) dans une prestation faisant froid dans le dos, tout en étant en parfaite en adéquation avec son personnage. On y voit apparaître également Joshua Jackson (Dawson, Fringe) et Joe Morton (Dyson dans T2 et le père d’Olivia dans Scandal).
A travers cette histoire, Bryan Singer souhaite également mettre en image le sort des homosexuels pendant cette période sombre de l’Histoire, tout en ayant des répercussions encore aujourd’hui suggérées dans les personnages secondaires. Tout comme l’attitude trouble d’un David Schwimmer fraîchement débarqué de Friends et arborant fièrement une moustache en tant que conseiller d’orientation voulant tout mettre en œuvre pour aider l’adolescent en perdition.
Même la sexualité de Todd Bowden sera remise en question par sa petite amie en raison du conflit ou dilemme intérieur qu’il traverse à ce moment-là. De plus, la vraie raison de la relation que le jeune homme entretient avec Kurt est cachée à ses propres parents. Cet aspect secret est généralement favorisé pour les personnes ne voulant pas faire le coming-out et avoir des retours catastrophiques pour eux et leur entourage.
Les références sont nombreuses et donnent un autre sens de lecture au film que la simple admiration morbide d’un adolescent pour comprendre un personnage ayant adhéré à une idéologie nauséabonde.
Malgré le succès de Philadelphia, 5 ans plus tôt, la société avait sur ce sujet encore beaucoup de mal en termes de tolérance et d’acceptation. Il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas seulement un courant religieux ayant été persécuté, chassé, exécuté pendant la seconde guerre mondiale.
Cette vision réductrice de certaines périodes du XXème siècle m'exaspère au plus haut point.
La manipulation est omniprésente dans Un élève doué aussi bien dans l’obtention d’une vérité que pour la cacher, autant sur une période historique que sur les individus eux-mêmes. Ce film est très intéressant à suivre grâce à ses thématiques que beaucoup veulent taire encore aujourd’hui. Il exprime très bien la citation de Nietzche :
Si tu plonges longtemps ton regard dans l'abîme, l'abîme te regarde aussi.
Il s’agit de la troisième adaptation sur grand écran du recueil de Différentes Saisons de Stephen King, dont je recommande bien évidemment la lecture, après Stand By me et Les évadés. C’est pour moi une des meilleures adaptations de l’écrivain au cinéma.
Malgré son bide au box-office au moment de sa sortie, Apt Pupil mérite d’être redécouvert notamment pour le déroulement et la mise en scène de cette relation toxique entre les deux hommes. Bryan Singer ne doit pas être réduit à son rôle de simple réalisateur des meilleurs X-men pour les plus jeunes d’entre nous.
Cet engouement pour cette période historique sera de nouveau abordé dans son Walkyrie ayant une meilleure visibilité aujourd’hui grâce à son interprète principal : Tom Cruise, dont la sexualité a d'ailleurs été plusieurs fois remise en question par certains. Comme quoi la société a bien du mal à se défaire de cette obsession pour démasquer la sexualité chez l'autre au lieu de s'occuper d'elle-même, n'est ce pas ?