Il m'arrive parfois, lorsque les journées en salles sont chargées, lorsque les films s'enchainent, de griffonner 2-3 trucs entre deux séances, mon cerveau n'étant plus de première fraîcheur et se prenant donc volontiers les neurones dans le tapis.


Et c'est ainsi que de temps à autre les mots confirment que les films, bien que très différents, se répondent, montrant que les hasards existent partout au fil de nos rencontres, dans la vraie vie comme en art.


En sortant de cet "Endroit comme un autre", ou plus exactement quelques longues minutes plus tard, le temps de reprendre mon souffle et d'éponger les hectolitres de larmes, j'ai relu mes petites notes concernant le très beau "Any Day Now", vu deux heures auparavant, et je n'ai pu que constater, chose assez incroyable, que celles-ci s'appliquaient, à la lettre près, aux deux films.



Le sourire d’un père, sa dignité / Simplicité, douceur / L’innocence
malgré sa perte précoce par la force des choses / On vit simplement, on
s’aime simplement / De petites gouttes de bonheur malgré l'épée de
Damoclès du malheur



En effet si ces films ne racontent pas du tout la même chose ils choisissent tous les deux de le faire en travaillant l'opposition de ton, soit la douceur pour contrer le malheur. L'issue ne fait pas beaucoup de doute et pourtant les réalisateurs ne dévieront jamais, ils montreront l'amour pur et infaillible, sans démonstration ostentatoire ni misérabilisme, les sourires sincères de deux pères pourtant en immense souffrance, ayant le sentiment d'être impuissant à protéger les êtres qui leur sont le plus chers.


On fera la fête avec trop de musique et d'alcool d'un côté, on ira à une dernière fête foraine de l'autre, ici en famille on regardera la neige tomber à travers les barreaux attachés à la fenêtre d'un centre de rétention, là on tiendra fort la main de son enfant trop petit pour avancer seul dans la vie.


Et je vais rebondir là-dessus et parler plus précisément de ce "Nowhere Special", car j'ai vécu grâce à lui une expérience peu commune, celle, inconsciente, de ne quasiment plus écouter ce qui se disait, trop happé par ce qu'Uberto Pasolini a su capter de manière incroyable, une main adulte dans celle d'un enfant, avec tout ce qu'une caméra peut faire passer comme émotions à partir de ce simple geste répété, le regard d'un père mourant (Bluffant James Norton) sur son petit bout de trois ans (Les qualificatifs me manquent pour décrire le miracle Daniel Lamont), son sourire tendre et indéfectible dès que la seule chose qui fait encore battre son cœur se trouve à moins de trois mètres, même lorsque celui-ci videra hors-champ le contenu de sa chambre, la faute à un pyjama tout neuf moins beau que celui qui sentait le rat mort mais qui lui tenait chaud.


"Un endroit comme un autre" est un mélo qui ne fait pas semblant de ne pas l'être, avec sa musique de circonstance, celle qui vous déchire les entrailles et vous titillera instantanément les glandes lacrymales si vous en entendez la première note au détour d'un hasard dans 10 ans, sa chute inexorable, mais un mélo d'une simplicité désarmante, sans effet de mise en scène ni péripétie dans le récit, il accompagne sans faire de bruit, de peur de les déranger, deux êtres, l'un qui arrive au bout du chemin l'autre qui l'entame à peine.


Et si comme moi vous vivez ce moment seul avec eux dans une salle, vous en ferez de même : ne pas faire de bruit, ne pas les déranger, jusque dans leurs larmes, et les nôtres, silencieuses...

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le 13 déc. 2021

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