Un enfant attend a une place particulière dans la filmographie de John Cassavetes et ce pour plusieurs raisons.
Même si la caméra de Cassavetes a déjà la virtuosité qu'on lui connait, (il n'y a qu'à voir le génie de la scène d'ouverture qui voit la caméra prendre possession de Judy Garland ou l'exceptionnel sens du cadrage) la personnalité du réalisateur n'a pas encore trouvé ses marques. Ce n'est pas encore le réalisateur de Faces qui veut parler d'autisme ici.
Patience, il n'en est qu'à son troisième film ! Ca viendra bien vite.
Le message du film peut manquer de clarté aux yeux de certains mais à ce titre, il faut préciser que John Cassavetes n'a pas eu le final cut. Le producteur Stanley Kramer a choisi de remonter le film afin de favoriser la nécessité de l'isolement de la différence. Cassavetes, se sentant trahi a insisté sur le message que lui, a voulu passer avec ce film.
C'est le regard de l'autre qui est primordial ici, celui des personnes dites normales qui détruit ces enfants différents. Il montre que c'est sur eux qu'il faut travailler, en montrant qu'ils pouvaient être tout aussi heureux, épanouis sinon plus que leurs congénères si on leur en laissait la chance. L'amour, le respect, l'adaptation sont évidemment des facteurs décisifs dans le cheminement emprunté.
L'action se situe dans les années 50 dans un institut spécialisé pour enfants "attardés". Une jeune femme un peu perdue dans sa vie arrive dans cet institut spécialisé pour devenir le professeur de musique de ces enfants attardés.
Le regard de cet enfant la bouleverse, elle s'attache à lui plus que de raison et se rebelle contre ce qu'elle croit être de l'indifférence.
L'autisme, son traitement et son acceptation par les "autres".
John Cassavetes offre une fois de plus un rôle en or à son actrice principale, Judy Garland, qui trouve ici incontestablement son meilleur rôle. En femme fragile, un peu perdue qui ne sait pas quoi faire de l'amour qu'elle a à donner, elle se montre sensible et face aux enfants dont elle a la charge et à leur différence tendre et affectionnée.
Face à elle le psychiatre Clarke a des méthodes différentes, plus fermes qui visent à rendre les enfants sous sa responsabilité autonomes le plus possible.
Bien sûr, celle qui sera la muse et l'Amour du cinéaste, Gena Rowlands, fait sa première apparition remarquée dans un des films de celui qu'elle ne quittera plus.
Elle incarne avec le brio habituelle qui la caractèrise Sophie, la mère aimante mais dépassée, honteuse de Reuben, le protégé de la nouvelle arrivée à l'institut. Reuben a été trimbalé par son père de médecin en hôpital pour comprendre pourquoi avec des parents supérieurement intelligents, il n'avait pas les capacités intellectuelles développées. Son père a souhaité l'isoler, sa mère veut le protéger du reste du monde. Le couple marital n'existe plus et le parental ne vaut pas grand chose. Le garçon se sent abandonné et attend chaque semaine la visite de sa mère adorée. Deux ans passent et son entêtement, empêchent cet enfant d'évoluer, de sortir de son monde. Sa rébellion le laissent perméable à tout enseignement et réfractaire à tout progrès.
En définitive, ce qui fait avancer ces enfants dans notre société, ce n'est pas l'amour qu'on leur porte, la place particulière qu'on leur réserve mais tout cela avec en prime, l'importance du regard bienveillant que l'on porte sur leur différence. Les théories de bettelheim sont mises en avant notamment dans une réplique du Dr Matthew Clark quand il tance Melle Hansen en lui répétant que "L'amour ne suffit pas".
L'oeuvre de cassavetes décrit aussi bien l'évolution de Reuben que celle de Jane. Ils ont été là pour se faire évoluer l'un l'autre.
C'est l'échange et le relationnel qui fait valeu d'éducation.