Carl Franklin est clairement un honnête faiseur, capable de proposer de bons divertissements, non dénués d'un certain propos de fond, d'un certain regard critique sur son propre pays - à l'image de "The devil in blue dress", "High crimes" ou "One false move", le film qui nous intéresse.
Ce singulier mélange de polar crépusculaire et de road movie constitue déjà le quatrième long-métrage de Franklin, qui figure à cette époque parmi les rares réalisateurs afro-américains.
Cette particularité se ressent dans l'écriture, même si Franklin n'est pas l'auteur du script, œuvre de Billy Bob Thornton (et de son habituel coscénariste) : on constate ainsi une représentation inhabituelle de la "minorité" afro, en quantité comme en qualité.
Même le "méchant" black (Michael Beach) ne correspond pas aux clichés habituels, puisqu'il sort de Harvard, porte des lunettes et a une attitude très sobre (on est loin d'Eddie Murphy ou de Richard Pryor).
Puisqu'on évoque le scénario, signalons sa pertinence et son efficacité (l'action démarre dès la première scène), en regrettant toutefois un certain manque de rigueur qui engendre des invraisemblances.
Par exemple, lors du départ prématuré de Fantasia vers l'Arkansas, aucun de ses complices n'a l'idée de vérifier le fric : c'est le genre de ficelles narratives dures à avaler…
Du côté de la mise en scène, Carl Franklin effectue un travail solide, sans génie mais sans fausse note, à l'image de la photo très propre, d'une élégance "moderne", c'est à dire bien dans le ton des années 90 (et donc très loin de certaines scories des eighties, pourtant pas si lointaines).
En revanche, ce choix dans le grain de l'image pose un gros problème : il a tendance à désamorcer la violence, pourtant très sèche et frontale. De sorte que les nombreuses mises à mort perdent grandement de leur impact. On imagine qu'il s'agit d'un choix délibéré de la production, à l'image de l'absence de sang visible à l'écran.
En dépit de ces défauts qui empêche le film d'atteindre le statut de standard du genre, "One false move" gagne clairement à être connu, proposant une histoire originale et divertissante, tout en posant un regard sans concession sur l'Amérique des nineties, ses métropoles gangrénées par la délinquance comme ses campagnes dont le décor enchanteur peine à camoufler les vices.
La force du film repose aussi sur la qualité de sa distribution, qui réunit notamment Bill Paxton en shérif péquenaud, Billy Bob Thornton en tueur à catogan pas futé, ainsi que la plantureuse Cynda Williams en junkie dépassée par les évènements.